Les Flammes de la Guerre
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Les Flammes de la Guerre

C'est une époque sombre et sanglante, une époque de démons et de sorcellerie, une époque de batailles et de mort. C'est la Fin des Temps.
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment :
Jeux, jouets et Lego : le deuxième à ...
Voir le deal

 

 Le Banquet

Aller en bas 
AuteurMessage
Arduilanar
L'Effrayant
Arduilanar


Messages : 8176
Date d'inscription : 20/08/2008
Age : 31
Localisation : En exil dans le Vieux Monde

Feuille de personnage
Nom: Arduilanar
Race/Faction: Asur
Détails: Seigneur de Caledor

Le Banquet Empty
MessageSujet: Le Banquet   Le Banquet Icon_minitime24/8/2015, 09:41

C’était jour de fête, dans la demeure de Radilit mar Shiri, car le maître de maison recevait ses amis. On était allé engager, pour distraire les convives, les musiciennes les plus habiles et les danseuses les plus belles ; toute la journée, les cuisiniers s’étaient affairés dans la chaleur des fourneaux pour préparer un festin digne de ce nom, pendant que les commis couraient jusqu’au marché chercher les produits les plus frais. La grande salle de réception avait été spécialement apprêtée pour l’événement : on avait battu les tapis, récuré le sol, décoré les murs des plus belles tentures ; chaque vase précieux et chaque statue avaient été dépoussiérés, et on avait changé l’huile de toutes les lampes.
Quand le soir fut venu, les invités se présentèrent, un à un, vêtus de leurs plus beaux atours. Ainsi arriva l’armateur Naqid Hashurum, dans un somptueux manteau bleu aux griffons roses, puis Medab mar Parsi, administrateur des Forteresses Jumelles, portant un châle jaune semé de fleurs pourpres. Il y eut encore Bulum Nirabam, l’usurier, et Hamid mar Eshari, délégué du Conseil auprès du Temple ; le dernier fut Ilam mar Gushi, qui fit son entrée de manière remarquée paré d’une longue robe safran ornée de motifs géométriques, selon la mode du lointain royaume de Darstan.
Cette brillante assemblée fut menée jusqu’à la salle de réception, où elle s’installa sur les banquettes de bois sculpté au milieu des coussins colorés. Le repas fut plantureux, et le bon vin coulait avec générosité. Les esclaves ne cessaient d’aller et venir, débarrassant les tables pour y disposer de nouveaux plats tandis que d’autres, portant de grands flabellums en plume de paon, aéraient ceux qui le désiraient. Les conversations allaient avec entrain, couvrant presque la mélodie des harpistes : on parla de la politique commerciale d’Utash et de la guerre civile dans les îles d’Inkush ; on spécula sur la succession du roi du Saromshathra ; et l’on rit, aussi, au récit de la dernière mésaventure d’Huliam mar Kubshuli.
On évita par contre soigneusement d’aborder le sujet de la récente déchéance de Radilit : il eut été de la pire discourtoisie d’évoquer la moindre chose pouvant rappeler au maître de maison qu’il s’était brouillé avec le puissant Conseil de la Ville, et tous feignirent l’insouciance.

Les réceptions aqramites suivaient un protocole immuable, et celle-ci ne dérogeait pas à la règle. Aussi, comme il seyait à ce genre d’occasions vint finalement le moment du discours, et Radilit mar Shiri leva sa coupe pour demander l’attention :
— Permettez-moi à présent de dire quelques mots, vous mes très chers, mes très excellents amis ! C’est une grande joie pour moi que de vous voir tous réunis autour de moi, et de me savoir entouré d’une si brillante et si aimable compagnie. Nous nous connaissons tous depuis des années ; des années où a su perdurer une amitié infaillible, sans taches, plus belle qu’aucun homme ne saurait en rêver. Je vous le dis : que les dieux bénissent les hommes fidèles en amitié !

Les convives écoutaient, de grands sourires aux lèvres ; mais, discrètement, l’un d’entre eux murmurait parfois quelques mots à l’adresse de ses voisins.
— Le voilà parti, commenta à voix basse Naqid. On sait quand il commence, mais jamais quand il finit.
— Il est capable de tenir toute la soirée sans s’arrêter, lui répondit Bulum d’un air morose en se servant une assiette de fromage au cumin et au persil.
— Surtout s’il a bu, ajouta Hamid. A combien de coupes en est-il ?
— Quatre, ai-je peur.

— J’ai passé ma vie à courir après des futilités, poursuivait Radilit avec entrain. L’or. Le pouvoir. Les femmes. Mais, en vérité, il n’est nulle richesse qui égale celle d’une amitié sincère. Même les rois se lamentent, dans la solitude de leurs palais : tous leurs laquais et tous leurs courtisans ne leur sont pas du moindre réconfort. Mais à moi, les dieux ont souri ! Ils m’ont comblé de leurs grâces, m’ont entouré d’hommes de confiance, et chaque jour qui passe je les remercie pour leur générosité. Qu’importe le tourment qui m’accable ? Mon nom est sali et l’on n’ose plus me fréquenter, mais vous, fidèles compagnons, vous vous tenez à mes côtés, et c’est tout ce qui compte.

— Ca devient embarrassant, grimaça Bulum. Surtout quand on sait ce qui l’attend.
— Une triste nécessité, fit Naqid entre deux gorgées de vin à la cardamome.
— Je ne reviens pas sur ce qui a été décidé, mais tout de même, il me fait un peu de peine. Ou plutôt, il me fait pitié.
— Dis plutôt que tu as peur de te salir les mains !, railla Medab.
— Après tout, chuchota Hamid, comme il le dit lui-même, nous sommes ses amis. C’est à nous de nous en occuper personnellement. Nous le lui devons, d’une certaine manière.

Le discours du maître de maison s’éternisait. Parlant avec de plus en plus de ferveur, Radilit s’était mis à ponctuer son propos de grands gestes du bras, ne semblant pas remarquer que le contenu de sa coupe débordait à chacun de ses mouvements.
— Haresh, que serait-il devenu sans Birit ? Et Shezzar ? Aurait-il triomphé de tant d’épreuves, sans le soutien que lui apportait Peraham ? Qu’importent les monstres, les éléments, le destin : à l’homme qui a des amis fidèles, rien ne résiste. Voilà le grand enseignement des mythes. Le grand enseignement de la vie !

— Vivement que cette farce soit terminée, grincha Ilam.
— Nous dormirons mieux ce soir ; et lui aussi, d’une certaine façon, plaisanta Medab.
— La remarque est de mauvais goût, fit Hamid les sourcils froncés.
— Eh quoi ? N’oubliez pas que c’est de sa faute si nous nous retrouvons dans cette situation inconfortable. Si cet idiot ne s’était pas mis en tête d’énerver les mauvaises personnes, nous ne serions pas obligés de...
— Tais-toi donc !, siffla son voisin. Il a bu mais il n’est pas sourd pour autant.

— A présent, mes amis, levons nos verres ensembles ! Buvons à l’amitié et aux hommes sincères !
Avec le même sourire qu’ils affichaient depuis le début de la soirée, les cinq hommes levèrent leur coupe et la vidèrent.
« J’ai le cœur empli de joie de vous voir tous ici, reprit Radilit. De voir que vous êtes tous venus pour moi, malgré la disgrâce qui m’afflige. J’en suis profondément touché. »
Les invités craignirent muettement que la longue tirade ne fut pas finie.
« D’autres que vous auraient fait envoyer quelqu’un, mais vous êtes de ce genre d’hommes qui font les choses en personne, et je vous remercie. »

Un long silence suivit.
« Allons, il n’y a pas de gêne à avoir !, rit le maître de maison. Pas entre nous, mes amis.
— Nous ne comprenons pas, Radilit, risqua Ilam avec un sourire légèrement crispé.
— Mon cher Ilam, répondit-il gaiement, tu m’as toujours pris pour un peu plus idiot que je ne le suis, n’est-ce pas ? Va, je ne t’en veux pas. Il est de bon ton de se pardonner, entre amis. J’ai fait des erreurs, moi aussi, apparemment. J’ai dressé contre moi ceux qu’il ne fallait pas. Et vous avez décidé, bravement, qu’il valait mieux vous en occuper vous-mêmes, m’épargnant ainsi de finir de la main de rustres. C’est extrêmement généreux de votre part.
— Radilit, commença Bulum, tu ne...
— Vous n’avez pas à vous justifier. Je comprends. De toute façon, si vous ne vous en chargez pas, d’autres le feront, n’est-ce pas ? Je sais quand il faut lâcher prise, et je suis heureux d’avoir pu partager cet heureux moment avec vous avant de quitter ce monde.
— Tu veux dire... que tu comptes nous laisser te tuer ?
— Par les dieux, non !, éclata de rire Radilit. Vous n’aurez pas à vous donner cette peine. J’ai agrémenté le vin de quelques fleurs de cytise ; la cardamome en dissimulait plutôt bien le goût.

Ilam se leva, mais, le bras gourd, laissa tomber à terre le stylet dont il s’était saisi. Ses lèvres tremblèrent, puis, chancelant, il se précipita vers la sortie. Les musiciennes s’arrêtèrent de jouer et les esclaves se figèrent. Les autres convives étaient blêmes, mais ne bougèrent pas.
— Il ne sert à rien de courir, fit tristement le maître de maison. Comme les nôtres, ses membres vont perdre leur sensibilité, sa gorge va se serrer, et il finira bientôt étouffé.
— Nous sommes encore quatre et nous sommes armés, dit Naqid d’une voix pâteuse. Nous pourrions te tuer pour mourir avec la satisfaction de l’avoir fait nous-mêmes, avant que le poison fasse son œuvre.
— Et vous ne le ferez pas, parce que, comme moi, votre souffle devient court, et que vous n’avez presque plus la force de vous lever. Au besoin mes esclaves me protégeront. Mes amis, ne me gardez donc pas rancune de ma dernière plaisanterie : ainsi, nous finissons à égalité en terme de traîtrise !
Puis, se faisant servir une nouvelle coupe de vin et souriant :
— Plus de raison de se priver, n’est-ce pas ?
Revenir en haut Aller en bas
 
Le Banquet
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Flammes de la Guerre :: Grande Bibliothèque d'Altdorf :: Autres Fic-
Sauter vers: