Le Nouveau Monde
Livre 1 : Les Larmes
Prologue
Les planches du navire craquaient sous le poids des hommes qui s’agitaient dans tous les sens. Bientôt, le Gloria Maria allait quitter cette terre pour de nombreuses années. Jonathanne n’en était que trop heureux. Adieu la misère et la pauvreté. Adieu la disette et le bas-peuple. En ce Nouveau Monde, lui, simple matelot, serait roi. L’embarcation quittait peu à peu son amarrage aux docks, sous les vivats du publique. Le jeune matelot cru un moment distinguer le Haut Roi Honnas, lui-même, sur une estrade de pierre où de nombreuses tapisseries et décorations de luxe avait été montées pour l’occasion. Des Nobles de tout le pays s’étaient déplacés pour assister au départ des colons. Perdu dans cette foule de manteau de fourrure, de dorure et de tenue d’apparat, un homme restait simple. Peut être était-ce car il n’avait pas besoin de prouver son pouvoir et sa valeur, contrairement à son entourage. Vêtue d’un long manteau de cuir, d’une tenue en soie légère et de bottes de cavaleries, seul un objet scintillant trahissait son identité. La couronne d’Argent. C’était donc bien lui, le Haut Roi. Jonathanne eut un léger sourire. Qui sait ? Dans quelques dizaines d’années, il serait peut être bien plus puissant que lui ? Mais en réalité, il ne savait comment, lui, garçon de la plèbe, pourrait un jour égaler un homme si resplendissant.
Alors que le ciel se couvrait et que le lourd navire se dirigeait vers l’horizon, Jonathanne ne savait pour le moment qu’il se sous-estimait amplement.
Les marteaux résonnaient partout. Déjà une dizaine d’habitations étaient construites, et l’Hôtel de Ville du Nouveau Monde élevait son clocher au ciel peu à peu. La mort récente de l’Amiral et le contremaître ne guérissant pas, Sire Jonathanne se retrouvait dans la position peu envieuse de désigner le prochain successeur au Trône d’Argent. Depuis tout temps, l’Amiral avait enragé ces confrères Capitaines en nommant, au lieu d’eux, ses propres matelots et timoniers à des postes clés dans l’organisation du Nouveau Monde. Pour apaiser les esprits, le Contremaître leur avait donné les rôles Clés de la Navigation. Le Nouveau Monde semblait en effet être un réseau d’îles et d’îlots, donnant à la Navigation un rôle clé dans le futur du Royaume d’Argent. Mais cela n’avait pas suffit. Les Capitaines désiraient de véritables pouvoirs. La moitié d’entre eux partirent d’Honnasbourg, et l’autre moitié préparait sans trop le dissimuler une révolte éminente. Le contremaître en voie de disparaître, la cité constituée pour le moment que de tentes ou de bâtisses de bois s’agitait. Il fallait que Jonathanne nomme un des Capitaines. Mais l’Histoire ne suivit pas cette logique.
Alors que la réunion se préparait, Fabius Ignens, Capitaine de l’Aquillon et second favoris pour le trône d’argent tenta d’assassiner Pierre Audieux, favoris du trône, lançant de ce fait une véritable guerre civile. Des huit capitaines restants, six moururent et les deux favoris, échappant miraculeusement à la guerre et fuyant Honnasbourg, partir bâtir leur propre monde avec leur propre flotte. Sire Jonathanne fut alors désigné pour régner, bien qu’il ne lui restât plus que les membres d’équipages et colons de la flotte de Gloria Maria et les survivants des autres flottes dont les Capitaines étaient morts. En dix ans, il bâtit Honnasbourg. Il rouvrit une voie commerciale avec le Vieux Monde et reprit contacte avec l’un des Premiers Capitaines ayant quittés Honnasbourg, qui avait fondé Olinne-la-Belle sur une île voisine. L’explorateur Noumo avait eu raison : ces îles, bien que fort loin du monde peuplé, abritaient une immense réserve de ressource, et particulièrement d’argent. Ainsi Honnasbourg puis Olinne-la-Belle devinrent des cités de plus en plus riches et puissantes. De nouvelles vagues de colons arrivèrent, décuplant la population des îles en six ans. Un des dix Capitaines disparues refit surface avec son équipage deux plus tard. De pensée bien plus amicale que lors de son départ, le commandant du nom de Louis PetitPied bâtit une cité avoisinant Honnasbourg ; la Nouvelle Ybrau, bien décidée à conclure une alliance solide entre elles. L’ïle d’Honnas fut ainsi peu à peu entièrement colonisée.
Malgré une croissance si spectaculaire, les Nouvelles Cités n’explorèrent que très peu le Nouveau Monde, préférant s’en tenir à bâtir des cité-états digne de ce nom. Peut être cette lacune fut-elle la première erreur des colons du Nouveau Monde et du désormais Roi Jonathanne. Mais sans celle-ci, cette histoire n’aurait pas lieu d’être.
Jonathanne ne restât pas inactif très longtemps. Dépêchant, trois ans après la rencontre avec PetitPied, l’un de ces meilleurs Amiraux, L’Amiral Jacques Reitrac, il envoya une dizaine de navires légers découvrir ce qu’il était advenu des huit autres Capitaines. C’est ainsi que Reitrac partit d’Honnasbourg le matin du premier jour de l’Expédition.