Les Flammes de la Guerre
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Les Flammes de la Guerre

C'est une époque sombre et sanglante, une époque de démons et de sorcellerie, une époque de batailles et de mort. C'est la Fin des Temps.
 
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 II - Fils d'Ulthuan

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Arduilanar
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MessageSujet: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime5/2/2011, 13:50

II
Fils d'Ulthuan


"Le frère se battra contre le frère, l'épée contre l'épée, le loyal contre le traître, et l'aube sera rouge de leur sang."




I
Le sang des traîtres

La tragédie se répète


"Il fut un temps où le frère combattait le frère, où le fils tuait le père, un temps de traîtrise et de meurtres, resté dans nos mémoires sous le nom de Déchirure. Ces temps sont loin désormais, mais la trace en est encore présente aujourd'hui parmi nous. A l'Ouest, dans les Terres Glacées de Naggaroth, les Druchii se préparent une fois de plus à éprouver notre résistance et notre courage. Nous ne permettrons pas que nos terres soient souillées une nouvelle fois par leur présence. Mais le mal n'a pas disparu de nos cœurs, et la tragédie qui toucha notre peuple pourrait bien se répéter.
Nous avons été maudits et promis à toutes les atrocités pour n'avoir su nous garder du pouvoir corrupteur du Chaos, et nous en payons encore le prix chaque fois qu'un des nôtres tombe sur le sol déchiré par la lame noire d'un draïch. Nous devons prendre garde, car bientôt le Chaos se réveillera et nous pleurerons une nouvelle fois de n'avoir pas été assez vigilants. Mais nous resterons droits et fiers dans la lumière comme dans l'ombre, même si les ténèbres du Chaos nous enveloppent de leur noirceur. Aussi, gardez espoir, mes frères, car les dieux veillent sur nous."
Roi Phénix Finubar le Voyageur
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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime5/2/2011, 13:52

II
L'Oublié

Je me vengerai...



Promis à une éternité de tourments, livré aux pires supplices, condamné à vivre. Il avait prié les dieux de lui accorder la mort, les avait suppliés d'abréger ses souffrances, mais nulle réponse n'était venue à ses prières. Il avait hurlé sa haine, avait maudit ceux qui l'avaient abandonné à sa douleur, mais les seules réponses avaient été les cruels ricanements de ses geôliers.
Il se résigna alors à son sort, se soumit aux tortures qu'on lui infligeait, et oublia sa vie passée, sa liberté, les terres de Chrace, et jusqu'à son propre nom. Pour lui, il n'existait plus ni jour ni nuit, seulement une alternance entre les moments où on le torturait et ceux où on le laissait dans un semblant de repos. Sa vie n'était plus rythmée que par les pas des rondes des gardes Druchii, les hurlements stridents des rapaces à la recherche de proies, et les coups de lame qui entaillaient régulièrement sa chair.
La carcasse décharnée n'était agitée d'aucun mouvement, d'aucun signe de vie. Un observateur attentif aurait pu discerner, parmi les nombreuses cicatrices qui balafraient le visage, deux paupières closes. Closes mais prêtes à s'ouvrir au moindre geste. Il s'était adapté à sa condition, avait pris l'habitude des vicissitudes de ses gardiens, et était toujours sur la défensive. Les deux yeux d'un bleu limpide, seuls vestiges du ciel sous lequel il avait autrefois vécu, s'ouvrirent subitement. Il était temps. Il savait toujours précisément quand ses tourmenteurs devaient revenir le chercher dans sa cellule pour le traîner vers les salles de torture. Il patienta quelques minutes. Etrangement, nul bruit de pas ne se faisait entendre. Peut-être avaient-ils renoncé pour ce soir, afin que la douleur de l'espérance brisée soit plus forte le lendemain. Il baissa la tête, l'infime étincelle d'espoir s'évanouissant aussi subitement qu'elle avait failli naître. Tout aurait pu s'arrêter là. Mais il n'en fut pas ainsi.
Un souffle à peine perceptible, un murmure...
"Ilmathril...."
Il ne réagit pas.
"Ilmathril...»
Il se redressa. Il croyait se rappeler. Des images fugaces. Des paysages baignés de lumière, aveuglants pour ses yeux restés trop longtemps à l'obscurité. Mais très vite, le noir absolu, d'autant plus sombre que la lumière l'avait effleuré.
"Ilmathril."
Le nom se faisait insistant. Le murmure était devenu une voix claire, pure et cristalline. Un son comme il n'en avait pas entendu depuis des années. De nouveaux, les silhouettes lumineuses se dessinèrent, gagnant en précision, manquant même de se révéler, avant de disparaître à leur tour. Mais cette fois, leur image avait été imprimée sur sa rétine. Il y était presque arrivé, et la prochaine fois serait la bonne. Le souvenir de la musique suave de la voix réchauffa son corps meurtri. Il n'était plus seul.

L’ombre menaçante et tourmentée de la citadelle s’étendait sur la terre de Naggaroth. La lune était pleine, et baignait le paysage de son halo diffus et amer. Un grand rapace noir passa dans le ciel et son cri strident retentit.
Son ombre se découpa un instant à ses pieds, dans la pâleur lunaire que la haute fenêtre accordait aux dalles noires. Des arches hautes et étroites s’ouvraient sur son passage. Des plaintes de désespoir, des hurlements de douleur et des rires cruels se déversaient de chacune d’elles. Son ombre se découpait à lueur des lampes magiques, évoquant quelque lame d’ébène. Le Druchii faisait sa ronde, comme toutes les nuits. Ou presque...
Son cœur pétri d'arrogance ne pouvait seulement le concevoir. Il n'avait rien entendu, il n'avait rien vu venir. Il ne pouvait pas y croire... Non, cela ne se pouvait pas ! Et il mourut avec cette conviction, l'incompréhension sur les traits, les lèvres abreuvées de son propre sang.

Mindoniel. C’est ainsi qu’il avait été nommé. Le grand lion reniflait, le museau souillé de sang druchii. Soudain, il leva la tête, secouant sa crinière blanche. Il l’avait trouvé. Et il était vivant.
Il bondit, courut, souple et léger comme le vent, grimpa une volée de marches luisantes et déboucha dans une vaste salle, dont la voûte se perdait dans les ténèbres.

Un lourd silence s’abattit, laissant aux tympans de l’elfe un bourdonnement insoutenable. Une étoile blanche semblait briller, loin devant lui…

Trois Druchii s’étaient levés. Une lueur d’excitation dansait dans leurs yeux, et une joie mauvaise retroussait leurs lèvres fines. Engoncés dans leur armure, le draïch brandi, les gardes de la citadelle approchaient lentement, avec une nonchalance cruelle. Mindoniel allait mourir. Il avait été stupide de penser que ce serait si facile. L’Asur était pourtant si près…


L’étoile crut, et sa lumière s’amplifia, jusqu’à le submerger complètement. Tout devint blanc. Et de ce blanc le plus pur naquirent des formes, des couleurs, qui se mélangèrent jusqu’à devenir distinctes. Les silhouettes lumineuses se révélèrent enfin, et la voix cristalline parla de nouveau.
"Souviens-toi, Ilmathril."
L’infime instant s’étira et devint une éternité. Les lèvres bleuies remuèrent.
"Oui… je me souviens."
Les mots lui semblèrent les premiers à sortir de sa bouche depuis des siècles. Ils lui parurent étrangers, incompréhensibles. Mais il savait qu'ils étaient les siens. Car, enfin, il se souvenait.
Il avait eu un nom autrefois. Ilmathril. Et Chrace avait été sa terre.
La douce caresse des herbes sur ses genoux. Le grondement de l’océan et l’air intense du large.
Les vagues scintillaient sous les derniers rayons du soleil. Le soleil. Il avait oublié jusqu'á la signification de ce mot. Et ce soleil était rouge.


Rouge comme le sang. Le sang qui maculait son torse, parcouru d’entailles.
Et le fracas de l'acier. Les chaînes d’Ilmathril tombèrent, arrachées de leurs anneaux en un geste surhumain.
Des cris de guerre furieux. Il s’élança en hurlant.
Et le sang de ses ennemis. Le goût du sang druchii dans sa bouche.

Le premier garde s’effondrait, le visage réduit en bouillie sanguinolente, d’où s’écoulait la cervelle. Une seconde après, le dernier Druchii réagissait enfin, en voyant le deuxième garde s’écrouler à son tour, la nuque brisée. Il bondit sur l’assassin de ses frères, méprisable carcasse ensanglantée, mais trébucha, déséquilibré par un poids nouveau dans son dos. Les puissantes pattes de Mindoniel étaient ancrées sur ses épaules, et ils roulèrent ensemble, jusqu’à ce que le lion trouve finalement la gorge de son adversaire. L’elfe noir fut pris de convulsions tandis que le lion assurait plus fermement sa prise. Ils avaient réussi.

Ilmathril était libre. Le sang du premier garde dégoulinait de sa bouche entrouverte, où il se mêlait à l’écume. Son regard était fou, et tout son corps tremblait violemment. Il hurla sa liberté, et son cri roula comme le tonnerre.
Le vent glacial mordait sa peau torturée, et les pierres tranchantes meurtrissaient ses jambes en lambeaux. Mais il avait enduré les pires tourments qui soient pendant une éternité, et il était libre.
Il marchait. Ou il l'aurait voulu. Mais ses jambes décharnées n'avaient plus la force de porter sa carcasse exsangue. Alors Mindoniel l'avait porté. Il n'avait pas d'autre choix que de se laisser faire, et aurait trouvé la mort sans cette aide dans les terres désolées du Grand Froid. Le lien qui se tissa entre ces deux êtres ne peut être décrit. Comment raconter le périple effectué à travers tout Naggaroth, la marche sous les tempêtes, la fuite des assassins qui les traquaient ? Comment définir la relation entre l'animal qui portait, nourrissait, protégeait l'elfe comme son petit, et le torturé qui semblait n'avoir jamais connu que misère et souffrance ?


Quand ils parvinrent aux côtes de l'Océan, Ilmathril n'était plus le même. Le squelette ambulant avait presque réussi à s'épaissir, ses cheveux étaient sur le point de retrouver leur éclat doré passé, mais le plus flagrant était la flamme qui brillait dans son regard. Une flamme de haine, de vengeance, mais aussi d'espoir. Il se sentait prêt pour l'épreuve.
Trois jours et trois nuits. Durant trois jours et trois nuits, Mindoniel nagea en direction des côtes d'Ulthuan, bravant les tempêtes marines et les foudres de Mathlann. Ilmathril survécut. Quand enfin ils échouèrent sur le sable blanc de Chrace, il était malade, dégoulinant d'eau de mer, mais il était en vie, et de retour sur sa terre.



Dernière édition par Arduilanar le 13/2/2011, 10:16, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime5/2/2011, 13:54

III
Le fils du Dragon

A la lueur des étoiles


Un voile immense couvrait le ciel, froide étoffe piquetée de grains d'argent. Derrière les cimes occidentales subsistaient encore les ultimes lueurs du soir, découpant les ombres des monts acérés sur leur pourpre timide. Puis vint la nuit, l'obscurité totale et étouffante, qui fit vaciller les étoiles elles-mêmes et choir un silence de plomb sur la vallée. Mais sous cette coupole de ténèbres s'éleva une voix, une étincelle brûlante et vive, bien que porteuse d'une infinie douleur.
Peinée par son fardeau, alourdie par sa peine, la jeune fille marchait vers les sommets sans cesser son chant. De brûlantes larmes brillaient au coin de ses yeux, mais sa voix ne s'étrangla pas, ses pieds ne se dérobèrent pas sous ses pas et, inlassablement, elle poursuivait sa route tout en sachant que pour elle il ne restait qu'une seule destination.
Elle avait aimé et, pire que tout, elle avait été aimée en retour. Le souvenir de cette époque déjà si lointaine ne se manifestait plus que par un souffle lent et chaud contre sa gorge, et le contact d'une épée dans sa main. Son éclat était dur sous le soleil ; mais à présent, même le tranchant de sa lame ne suffisait plus à percer l'obscurité.
Enfin elle touchait au but, reconnaissant malgré les ténèbres cet environnement familier. Elle n'avait pas besoin de le voir pour savoir qu'elle l'avait atteint. Sa douleur s'apaisa presque l'espace d'un instant, et elle profita enfin de la sérénité de ceux dont le destin était scellé. Elle avait fait ce qu'elle avait à faire.
Il lui sembla qu'une éternité s'était déroulée depuis le jour où son père l'avait amenée au Pic des Dragons. Elle pourrait, avait-il dit, toujours y trouver assistance dans les moments les plus difficiles. Le sang des dragons coulait dans leurs veines, et les dragons répondraient à son appel. Et malgré le temps qui la séparait de cet instant sous la lumière, les mots lui revinrent d'eux-mêmes à l'esprit et elle entama sa longue litanie de détresse.


L'immense corps de pierre gisait dans la fraîcheur humide d'une caverne. Les siècles avaient atténué sa chaleur, mais il y brûlait encore une flamme qui ne demandait qu'à s'éveiller.
Galemion sommeillait. Depuis la quatre-centième année du règne de Bel-Hathor le Sage, l'immense reptile n'avait manifesté aucun signe d'activité. Ses écailles d'un bleu minuit avaient lentement perdu leur couleur, jusqu'à adopter le ton gris et froid de la roche environnante, aucun mouvement respiratoire n'animait plus ses flancs de titan, et pourtant il vivait, l'esprit incroyablement ralenti mais encore actif.
Et, des abysses de sa pensée, il entendit l'appel impérieux qui résonnait. Toutes les cellules de son corps vibrèrent à l'unisson avec la magie. Son feu intérieur se réveilla et flamboya, alimenté par l'énergie qui parcourait le grand reptile. Deux flammèches lumineuses jaillirent et vinrent brièvement lécher ses narines, deux paupières alourdies par la torpeur des siècles se levèrent sur des yeux d'un jaune doré, toute la formidable machinerie corporelle du titan se mit enfin en branle. Le sang qui, liquoreux, se mouvait avec dolence dans les artères de pierre, battit soudain furieusement, retrouvant sa fluidité et sa température premières ; tel un feu liquide, il distribua sa chaleur aux membres ankylosés et raidis par l'âge, et colora les écailles ternes d'un bleu flamboyant.
Péniblement, le corps du géant se releva, sur des pattes avant d'abord peu sûres mais qui se raffermirent aussitôt. Galemion se sentait de nouveau jeune et vif, mû qu'il était par la puissance du charme qui l'appelait. Avec une lenteur majestueuse, il déploya ses ailes antiques, les agitant doucement pour favoriser le retour de la circulation dans la membrane diaphane. Enfin, il acheva de se redresser, s'élança et prit son envol dans la nuit.


Son chant achevé, la jeune fille se tut, figure droite et silencieuse dans les ténèbres. Elle attendit ainsi, pendant des instants qui lui semblèrent autant de fragments d’éternité, le cœur soudain serré d’angoisse à l’idée que nul ne réponde à l’appel. Mais son inquiétude fut vaine, car une forme plus noire que la nuit occulta bientôt le firmament, gigantesque ombre ailée qui se mouvait en silence. A l’approche du pic, le dragon ralentit son vol, et se posa avec une douceur étonnante pour une créature de cette taille au sommet de l’éperon rocheux. L’elfe se sentit scrutée par le reptile mais ne laissa paraître aucun signe de peur et soutint le regard des prunelles dorées. Laissant pendre l’épée dans son fourreau, elle tendit la main vers l’animal qui, comme s’il comprenait son intention, déploya son cou serpentin et rapprocha sa tête de la jeune fille. Dès l’instant où ses doigts délicats effleurèrent le cuir rugueux du dragon, la communication s’établit entre les deux êtres.
Galemion. Tel était donc le nom de celui que l’appel avait éveillé. L’elfe fut brusquement assaillie par des souvenirs qui ne lui appartenaient pas, et prit conscience de l’esprit incroyablement ancien et sage qui s’adressait à elle sans l’intermédiaire de la parole.
Que les étoiles tiennent à jamais en leur lueur celle qui m’appelle en ce jour. Quelle est cette douleur qui t’accable, Nairë Locëcundion, toi qui commande aux dragons ?
Deux larmes roulèrent sur ses joues pâles.
« - Je te confie mon fils... Amarthan. Prend soin de lui, je t’en supplie. Je ne veux pas lui infliger une vie de honte et de souffrance. »
Il en sera fait ainsi puisque tu l’ordonnes, toi qui portes le sang des dragons. Mais j’ai sondé ton cœur, et je n’y ai vu que la nuit et la mort. Es-tu certaine de ce que tu vas entreprendre ?
« - Il… il le faut. Je ne puis vivre plus longtemps… » La voix de la jeune fille se brisa. « Je ne puis vivre plus longtemps avec le souvenir de ces jours heureux… Je dois le faire, ma résolution est arrêtée. Mais mon départ sera moins douloureux si je sais qu’il est en sécurité. »
L’elfe retira sa main de la tête de Galemion, et contempla un instant le visage de son enfant. Emmailloté dans des langes, celui-ci dormait paisiblement, et sa mère pouvait sentir son petit souffle, chaud et régulier. Elle le serra contre elle, respirant une dernière fois son odeur et l’embrassant, puis elle le remit au dragon qui le saisit avec délicatesse dans sa gueule. La mère frémit à la vue des rangées de crocs longs comme des poignards, mais elle savait qu’elle pouvait avoir confiance. Elle retira ensuite le fourreau qui pendait à son côté et le tendit à son tour.
« - Prend aussi ceci. Qu’il ait au moins un héritage de son père, fut-ce tout ce qu’il doit posséder. Qu’il sache… qu’il sache aussi que je l’ai toujours aimé. Adieu ! Adieu, mon fils, et puissent les dieux veiller sur toi à jamais ! »
Galemion tourna sa tête afin d’éviter à l’enfant la vision de ce qui devait suivre. Il ne vit ainsi ni les larmes, ni le dernier regard de tendresse, ni la silhouette blanche qui se jetait dans l’abîme. Celle-ci sembla flotter un instant, comme portée par le vent ; mais, tandis que le dragon reprenait son envol, elle disparut dans les ténèbres.
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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime5/2/2011, 13:57

IV
Horizon noir

Le couperet tombe



A travers la vitre de la bibliothèque, Arduilanar regardait la neige tomber sur les monts de Caledor. La bise de décembre agitait les gros flocons, emplissant l’air d’un épais tourbillon blanc ; et, voyant les éléments déchaînés, le jeune elfe pensait à son frère, dont aucune nouvelle n’était parvenue depuis plus d’un mois.
Raithael Theril s’était porté volontaire pour une expédition vers le Vieux Monde. Le Roi Phénix savait que le danger menaçait les terres de Kiev et les comtés septentrionaux de l’Empire car, ainsi que chaque hiver, les tribus de maraudeurs nordiques s’agitaient et lançaient des raids vers l’Ouest ; ainsi avait-il dressé une petite force expéditionnaire capable de soulager quelque peu les défenseurs de l’Empire de la menace qui pesait sur eux. Avec deux cents autres soldats, Raithael s’était embarqué à Lothern au mois d’octobre sur le navire faucon L’Oriflamme d’Eathaine ; quant à Arduilanar, le seigneur Theril avait décrété qu’il était trop jeune pour ce genre d’aventure. Malheureusement, une violente tempête survint peu après le départ de l’expédition et, depuis, plus aucune communication n’avait pu être établie. Les oiseaux porteurs de message pour le navire revenaient après des semaines, éreintés, le parchemin encore accroché à leur patte, et beaucoup craignaient le pire concernant le devenir de l’équipage.
Le souffle d’Arduilanar venait dessiner des traces de buée sur le verre. A l’extérieur, plus rien ne rompait la monotonie du blanc, pas même les silhouettes noires des rochers qui pourtant se dessinaient encore quelques instants plus tôt. Le vent soufflait à présent avec férocité, comme emballé par sa propre fureur, et l’adolescent frissonna en pensant que son frère était peut-être perdu sur les flots, balloté par les vagues et à la merci de cette tempête.
Arduilanar se redressa soudain. Un point sombre était apparu sous l’épais rideau blanc, semblant braver la neige pour se diriger vers le manoir. Le cœur battant, l’elfe se leva et courut hors de sa chambre, dévalant les marches, brusquement saisi d’un espoir irrationnel. Haletant, il arrivait au sommet de l’escalier principal, qui débouchait sur le vaste hall d’entrée des Theril, quand il s’arrêta net. La lourde porte du manoir venait de s’ouvrir en grinçant, laissant entrer une bourrasque gelée et le mystérieux visiteur, couvert de neige ; mais il ne s’agissait pas de Raithael, et sa folle espérance s’éteignit aussi rapidement qu’elle avait jailli. Se dissimulant derrière la rambarde, il observa.
« - Entrez, entrez, je vous en prie ! Ne restez donc pas dans ce vent glacial ! »
La voix de sa mère résonnait, légère et cristalline, sous les voûtes de pierre blanche. L’étranger se défit de sa cape et s’inclina respectueusement.
« - Dame Theril, auriez-vous l’obligeance de quérir votre époux ? Je suis porteur de nouvelles que vous serez tous deux désireux d’entendre. »
Arduilanar reconnut vaguement un des notables de Tor Caelis qu’il avait déjà aperçu à quelques reprises. Sa mine était sombre, les sourcils froncés, et l’adolescent redouta ce qui allait suivre.
Il vit arriver son père, droit et fier ; et l’adolescent sut qu’il avait pressenti cet évènement. Ses deux parents se tinrent côte à côte, tandis que le visiteur s’inclinait une nouvelle fois.
« - Bienvenue en notre demeure, Aerion Thirdel. Prenons donc place près du feu, nous serons mieux installés pour écouter ce que vous avez à nous dire. »
Arduilanar les vit se diriger vers la salle de réception, mais il n’osa pas les suivre, et préféra remonter dans la bibliothèque bien qu’il n’eut pas le cœur à lire.
Quelles étaient ces nouvelles dont ses parents devaient être informés ? Peut-être avait-on enfin reçu une réponse du navire-faucon, peut-être avait-on enfin appris que l’équipage était sain et sauf… Il aurait voulu espérer, mais son cœur lui affirmait le contraire. Aerion Thirdel n’était peut-être même pas venu pour parler de Raithael, et pourtant, de quoi d’autre aurait-il pu s’agir ?

Arduilanar attendit dans l’angoisse, chaque minute écoulée lui semblant une interminable torture. Il imagina toutes les conjectures possibles, de la plus atroce à la plus optimiste, mais était concentré sur une seule idée : que son frère vive… Il implora les dieux de toutes ses forces, pria comme jamais il n’avait prié, et pourtant il demeurait dans le doute.
Enfin, il entendit la lourde porte du manoir se refermer, tel le glas mettant fin à ses tourments. Il descendit aussitôt dans le hall, où ses parents venaient de faire leurs adieux à leur visiteur. Les larmes avaient coulé sur le doux visage de sa mère, et son père lui-même était blême ; et aussitôt, Arduilanar sut.
« Je… père, mère… Qu’y a-t’il ? Qu’est-il arrivé à Raithael ? »
Sans un mot, son père lui tendit un rouleau de cuir, contenant un morceau de parchemin. Il était taché de sel et l’encre en était délavée. Il était cependant encore possible de lire ce qui y avait été inscrit.
… été pris dans une tempête au nord de l’Île Blafarde … navire malmené pendant plus de deux semaines. Nous n’avons plus ni rames ni voiles … avons à déplorer de nombreuses pertes … nous porte vers le nord ouest. Qu’Asuryan ait pitié de nos âmes.
Chacun de ses mots tomba comme un couperet. Arduilanar savait parfaitement ce que cela signifiait : il n’y avait nul espoir de réchapper à un naufrage sur les côtes de la Terre du Grand Froid. Si le blizzard n’exterminait pas les survivants, les Druchii s’en chargeraient.
Il se serait attendu à verser des larmes. Il pensait s’effondrer au sol de douleur, ou hurler à en perdre la raison. Mais rien n’arriva ; il ne sentit que le froid qui s’emparait de tout son corps, son esprit, lui, restant ignoblement lucide. Il garda tous ses moyens, ce qui était pire que tout.
Sa mère le saisit dans ses bras et son père lui-même le serra contre lui, rare geste d’affection. Il hoqueta.
« Comment… comment ce message a-t-il été récupéré ? »
Ses parents finirent par relâcher leur étreinte. Sa mère lui répondit sans lever le regard.
« - L’oiseau qui le portait a été retrouvé mort d’épuisement près des côtes de Chrace. Ils disent qu’il n’y a rien à faire.
- Alors, il n’y a vraiment plus aucun…
- Non. »
La voix du seigneur Theril le coupa avec dureté, et Arduilanar sentit enfin les larmes lui monter aux yeux – brûlantes et salées, et pourtant réconfortantes.
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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime5/2/2011, 14:02

V
Frères ennemis

Et l’aube sera rouge de leur sang



Le vent fouettait son visage avec hargne, une pluie cinglante battait ses flancs. L’eau glacée ruisselait sur sa figure, mais un sourire s’y dessinait, du moins ce qui eut pu passer pour un sourire sans l’éclat cruel et torturé qui luisait dans les yeux gris.
Il huma l’air avec délice – aucun doute possible, il était bel et bien de retour chez lui.


Depuis un mois, le manoir Theril portait le deuil du fils qu’il avait perdu. La nouvelle de la disparition de Raithael avait ébranlé toute la famille ; le seigneur Theril ne quittait plus son fauteuil, comme soudainement vieilli, bien que le poids des années soit sans effet sur les fils d’Isha. Un pressentiment sombre l’accablait, comme si les plus grands malheurs étaient encore à venir. Dame Aerianis exprimait sa douleur à travers la musique, et les murs du manoir résonnaient des échos funèbres de sa harpe. Quant à Arduilanar, il passait ses journées dans la bibliothèque, assis près de la fenêtre, le regard perdu vers le lointain, comme s’il guettait encore le retour de son frère.

Les gonds grincèrent, les portes s’ouvrirent dans un fracas de tonnerre. Leur grondement sinistre roula sous les hauts piliers, brisant le silence de mort.
Le cœur de mère d’Aerianis tressaillit. Son fils était de retour. Elle s’élança sous les voûtes, transportée de joie – et il était là. Elle n’avait besoin d’aucune autre explication. Elle courut vers lui et le serra dans ses bras, le couvrant de baisers.
« Amène-moi Arduilanar. »
La voix sonna comme un glas, dur et froid.
Dame Aerianis desserra son étreinte et contempla le visage de son fils. Il s’agissait bien de Raithael, mais elle eut peine à le reconnaître. Elle ne lui connaissait pas ce regard implacable, ni cette inhabituelle expression de sévérité et de cruauté. Vêtu d’un manteau noir en loques, il dégoulinait d’eau.
« - Raithael, mon fils…, l’implora-t’elle, comme si prononcer son nom rendait sa présence plus réelle. Viens te réchauffer près du…
- Amène-moi Arduilanar. »
Sa mère frémit en voyant la flamme sombre qui brûlait dans ses yeux.

Arduilanar tendit l’oreille. Cette voix… Brûlant souvenir de jours heureux et d’une complicité passée. Eût-il été possible que ?.. Non, tout cela ne pouvait être qu’une illusion. Raithael avait disparu, bien qu’il n’eût pu l’accepter.
« Amène-moi Arduilanar. »
La voix avait retenti une nouvelle fois, et dans cet écho lointain il reconnut son nom. Son âme et sa raison s’affrontèrent en un doute. Raithael était mort – et pourtant, il était de retour. Un étau glacé enserra son cœur. Il aurait dû se réjouir de cet improbable miracle ; mais justement, tout cela était par trop improbable pour pouvoir être cru.
Arduilanar sortit de la bibliothèque et descendit à pas lents vers le hall. Cette forme noire, fièrement dressée et altière, aurait-il pu s’agir de son frère ?
« Raithael… »
Les larmes lui montèrent aux yeux dans l’ivresse de son bonheur. Pour une raison ou une autre, son frère était là, devant lui. Raithael lui répondit d’un sourire.
« Arduilanar. »
La voix était impérieuse et sévère. L’adolescent se tourna vers son père qui s’était approché, l’épée à la main.
« - Père, Raithael est revenu…
- Ecarte-toi. »
Frappé d’incompréhension, Arduilanar vit alors sa mère, qui se tenait terrifiée dans l’ombre. Le regard de Raithael se fit dur et cruel.
« Je suis venu chercher Arduilanar. »

Le seigneur Theril avait senti l’ombre s’approcher. De noirs pressentiments l’assaillaient depuis la disparition de son fils, et il ne voyait de l’avenir qu’un présage de mort. Il avait reconnu dans cette arrivée la réalisation du destin et se sentait prêt à l’affronter l’arme à la main pour défendre ceux qu’il aimait. Celui qui se tenait sous les piliers n’était pas son fils. Il sentait s’en dégager une aura ténébreuse, comme un halo de noirceur qui l’entourerait. Son fils n’avait ni cette expression de malveillance, ni ce regard où dansaient la mort et la folie. Non, son fils était mort, il le savait, du moins ce qui avait été son fils en cet étranger vêtu de noir, et il n’en subsistait plus rien.
« - Qui es-tu ? Mon fils est mort.
- Je suis l’Ombre émergeant de la Nuit, répondit-il d’un ton morne. J’ai combattu seul quand tous les autres étaient tombés, j’ai tué pour survivre sans connaître le repos. Le fracas des armes et le goût du sang ont façonné mon âme, m’ont forgé une identité nouvelle. Ton fils est bien mort, car je suis Celui qui porte l’Epée. »
A ces mots, Raithael dégagea de ses haillons une grande lame noire. Il ne s’agissait pas d’une épée comme en portaient les Asur, mais d’un long draïch de Druchii à la silhouette torturée. Il se nimba de flammes noires, paraissant aspirer toute lumière et toute vie.
« Arduilanar, rejoins-moi. Je suis venu te chercher. »
Rejoins-moi.
L’appel sonna comme un écho de la voix de son frère. Arduilanar trembla. La voix avait résonné dans sa tête – métallique et brûlante. Il ne s’agissait pas de Raithael, mais d’une volonté supérieure qui s’exprimait à travers lui.
Rejoins-moi et tu goûteras au sang. N’essaye pas de me résister…
La voix était à la fois dure et tentante, d’une puissance incommensurable. Arduilanar se sentait inéluctablement attiré, son esprit au bord d’un gouffre tandis que sa propre volonté bataillait pour le maintenir à la lumière.

« Arduilanar. »
La voix de son père le libéra de l’emprise maléfique, le ramenant brutalement à la réalité.
« Arduilanar, prend l’épée et protège ta mère. Elle te dira où la trouver. »
Raithael se tourna vers son père avec haine.
« - Tu ne me le soustrairas pas, gronda-t’il.
- Je ne te crains pas, Kaela Mensha Khaine, ni toi ni aucun de tes serviteurs. »
Le seigneur Theril leva son arme en signe de défi. Les deux lames se croisèrent tandis qu’Arduilanar, impuissant, regardait son père et son frère se préparer à combattre. La situation le pressait de réagir, ne laissant pas de temps pour l’incompréhension.
Pendant que les combattants s’affrontaient du regard, l’adolescent saisit la main de sa mère, prostrée au pied d’un pilier.
« Mère, fit-il avec douceur. Mère, il me faut l’épée. »
Aerianis l’observa avec une infinie tristesse.
« Aujourd’hui je perds mes deux fils. »
Arduilanar ne saisit pas le sens de ces paroles.
Il entraîna sa mère à sa suite pour l’éloigner du lieu du duel. Ils quittaient le hall lorsqu’ils entendirent les lames s’entrechoquer.
« Suis-moi », lui intima-t’elle en un souffle.
Retrouvant sa volonté, elle le guida en courant vers ses appartements, tandis que l’air vibrait au son des épées. L’adolescent avait rarement eu l’occasion d’y pénétrer. C’était le lieu de vie le plus intime de ses parents, et il se sentit vaguement gêné d’y mettre les pieds, comme s’il profanait un espace sacré. Son regard n’eut pas le temps de se poser sur ces lieux méconnus et pourtant familiers ; sa mère souleva une tapisserie, révélant une alcôve et un coffre. Elle essaya de l’ouvrir, mais fit tomber la clé.
« Ouvre-le, mes mains tremblent trop. »
Arduilanar s’exécuta. Il ramassa la petite clé dorée et la fit tourner dans la serrure. Le coffre ne contenait qu’un morceau de tissu blanc et une épée dans son fourreau. Il entendit des sanglots quand il souleva l’arme.
« Je regrette… je regrette que nous t’ayons caché cela. »
Il se tourna vers sa mère qui essuyait ses larmes.
« Cette épée est ton héritage. Montre t’en digne. »
Arduilanar dégaina la longue lame, et vit qu’elle était ornée de runes et de gemmes. Elle scintilla doucement au contact de sa main, comme si elle manifestait sa joie de retrouver son maître. Il la contempla de façon plus approfondie. Ses lignes étaient d’une grande pureté, ses courbes délicates et son tranchant effilé. Il ne s’agissait clairement pas d’une épée ordinaire, et même à un jeune noble accoutumé à disposer des meilleurs équipements, elle parut particulièrement précieuse.
Soudain, à sa grande surprise, l’acier s’illumina, dégageant une étincelante flamme bleue. Arduilanar faillit lâcher prise, mais l’épée restait accrochée à sa main, comme mue par une volonté propre. De la magie… Oui, il s’agissait bien d’une lame enchantée, un ouvrage de grande qualité et à la puissance certainement terrifiante. Comment une telle arme avait pu se retrouver cachée dans ce coffre, il se le demandait…

Un cri d’agonie retentit, rebondissant à l’infini sous les voûtes en autant d’échos funèbres. Le sang d’Arduilanar se glaça. Raithael fit irruption dans la pièce, maculé de sang. Quelques instants plus tôt, il eût encore été possible de douter ; mais sa mère vit la lueur sauvage de ses yeux, le rictus féroce qui déformait son beau visage, et elle sut que son fils était perdu à jamais. Le draïch gouttait, laissant sur le sol de marbre blanc une traînée sanglante, et le feu noir flamboyait avec haine.
« - Je suis venu te chercher. » Sa voix était étrangement déformée, son timbre presque métallique.
« - Mère, dès que vous en aurez l’occasion, fuyez. Je le retiendrai aussi longtemps que nécessaire. »
Les prunelles d’Arduilanar flamboyèrent à leur tour. Un feu clair animait le jeune elfe, la force d’une juste et saine colère. Le moment était venu de regarder en face le danger et de l’affronter, qu’il s’agisse ou non de son frère.
Il avait été le compagnon de jeu de son enfance, son complice, son seul ami dans l’isolement du manoir. Ils avaient appris ensemble à lire et à écrire comme à manier les armes, sous l’œil bienveillant de leur précepteur. Mais ce frère n’était plus, il le savait, et il était trop tard pour tenter de le ramener aux souvenirs heureux du passé. Il ignorait par quelle fatalité du destin il avait pu tomber sous l’emprise de l’ombre, mais l’heure était venue de protéger les siens tant qu’il le pouvait, à défaut de pouvoir libérer son frère.
« Arduilanar, suis-moi et goûte au sang. »
Le jeune elfe soutint le regard des yeux gris, puits béants vers le néant de son âme.
« - Tu as fait couler ton propre sang, tu as souillé à jamais notre famille par l’infamie du parricide. Tu ne mérites plus d’être appelé mon frère ! Ton âme est devenue noire comme ces vêtements que tu portes, comme cette lame honnie qui a pris la vie de notre père ! Je préfère encore mourir que te rejoindre, toi et ton dieu abject, et tomber dans la même vilenie que toi. »
Misérable sot. Tu tentes d’échapper au pouvoir de la Main Sanglante, mais tu apprendras à tes dépens qu’il ne t’est plus possible de vivre en dehors de moi…
La voix ne tentait plus de le séduire, elle le menaçait. Arduilanar aurait voulu la faire taire, mais les syllabes d’acier tombaient les unes après les autres sans qu’il puisse en arrêter le flot.
… Tu vas mourir…
Raithael geignit, grimaçant de douleur, l’affliction peinte sur son visage qui l’instant d’avant exprimait la haine et la colère.
« Pourquoi… pourquoi me rejettes-tu ? » murmura-t’il.
Deux larmes coulèrent sur son visage éclaboussé de sang, dessinant deux traînées claires.
« Pourquoi ?... » répéta-t’il en gémissant.
Ni Arduilanar, ni sa mère ne prononcèrent un mot, retenant leur souffle. Il était de retour tel qu’ils l’avaient connu, le sombre éclat de ses yeux disparu. Aerianis s’approcha lentement de son fils qui sanglotait, et posa avec douceur sa main sur son avant-bras.
« Mon fils… Je suis là. »
Raithael lui lança un regard implorant. Puis, d’un geste brusque, il leva sa lame et l’abattit sur sa mère, déchirant son corps en une grande gerbe rouge. Le feu noir de ses yeux reprit avec plus de force que jamais, un vent surnaturel sembla agiter ses cheveux et son manteau, et de sa voix d’airain, il hurla avec rage. Aerianis tomba au sol, sa vie s’écoulant de la large entaille que le draïch avait ouverte, parcourue de flammes noires immatérielles. Elle n’eut que le temps de jeter un dernier regard à son fils avant de s’éteindre.
Avant de lui laisser le temps de réagir, Raithael se jeta sur son frère, qui para son attaque in extremis, par réflexe. Les deux épées scintillèrent, le feu d’ébène affrontant le feu d’azur, s’agitant chacun en furieux tourbillons, s’entrelaçant en volutes graciles.
Tu me défies…
Dans une explosion de lumière et d’ombre, Arduilanar parvint à repousser l’assaut, au prix d’un effort surhumain. Etendue sur les dalles froides, sa mère le fixait, à jamais figée dans une dernière expression de tendresse.
« Tu vas payer », siffla Raithael avec rage.
Ses yeux avaient pris une inquiétante couleur carmin, les flammes maléfiques qui nimbaient sa lame se propageaient depuis son bras jusqu’à recouvrir tout son corps. Il frappa une nouvelle fois, son bras animé par une force divine. Arduilanar esquiva, mais un second coup suivit, encore plus rapide. Raithael déclencha un véritable déluge d’acier, d’une sauvage férocité ; il enchaînait les bottes, les frappes d’estoc et de taille en une danse mortelle. La lame bleue volait, bloquant chacun des coups qu’assénait la lame noire, moins guidée par la main de son maître qu’elle ne la guidait.
Arduilanar cependant dut reculer, d’un pas puis d’un second. Le rythme de son frère s’accélérait, chacun de ses attaques devenaient plus difficiles à éviter. Les connaissances d’Arduilanar étaient théoriques, alors que Raithael était mu par la main de Khaine en personne, et pourtant l’épée bleue parvenait encore à le repousser.
La garde brûlait dans sa main. Les deux lames faisaient se déferler un torrent de magie, deux flux d’énergie brute qui s’affrontaient en un duel épique, parallèle à celui des bretteurs. Le feu clair s’élançait, ses flammes semblaient vivantes, mais son pouvoir aurait dû être canalisé par des mots pour être efficace. Cette tempête de magie pure déformait le temps ; les secondes s’étiraient, paresseuses et élastiques, l’air vibrait dans le vrombissement des épées, le tissu de la réalité lui-même semblait se gondoler sous la chaleur.
Pourquoi se battre ? Pourquoi lutter encore, alors que tous ceux qu’il chérissait avaient quittés ce monde, tués de la propre main de son frère ? Pourquoi chercher encore à vivre, quand ses parents baignaient dans leur sang ? La réponse était dans les yeux de sa mère : que leur mort n’ait pas été vaine.
Pourtant, Arduilanar s’essoufflait. Il mobilisait tous les muscles de son corps pour échapper à l’avalanche de coups qui pleuvait, tâchant d’ignorer la fatigue et la douleur lancinante qui s’insinuait dans ses membres, engourdis par un combat qui semblait durer depuis des heures. Inexorablement, son bras faiblissait, ses gestes devenaient plus lents, alors que son adversaire était rendu de plus en plus fort par la fureur du combat qui alimentait son démon.
Ploie !
Il ne fut pas assez preste. Un coup de draïch lui entailla le bras et le côté droit, lui arrachant un cri de douleur, un second fit voler sa lame qui virevolta avant de retomber sur le sol dans un tintement métallique.

Raithael observait son frère qui s’écroulait au sol. De la blessure nimbée des flammes maléfiques s’écoulait un flot de sang, dont l’odeur accroissait son désir de tuer.
Tue !
La voix lui ordonnait de le mettre à mort. Mais l’infime parcelle de volonté qui demeurait en lui luttait de toutes ses forces pour ne pas céder – non, il ne désirait pas tuer Arduilanar. C’était l’être qu’il avait chéri le plus au monde, et même sous l’emprise implacable de ses pulsions meurtrières, son esprit bataillait pour l’épargner. Mais la voix ne permettait pas qu’on lui désobéisse, il le savait.
Tue et goûte au sang ! Sens la morsure de ta lame dans la chair, délecte-toi de ses souffrances et de ses cris d’agonie !
Malgré lui, le draïch se leva, centimètre après centimètre, prêt à s’abattre. Etendu à terre, Arduilanar sentit sa vision se brouiller, et sut que tout était fini.



Le mur du manoir éclata dans un tonnerre de pierres brisées, un nuage de poussière et de roche explosée. Un formidable rugissement emplit l’air, faisant trembler le ciel et la terre. Raithael avait interrompu son geste pour se protéger de l’éboulis et des projections. Comme dans un rêve, Arduilanar entraperçut une titanesque silhouette bleue qui se découpait sur le soleil, puis se pencha vers lui. Des frontières de l’inconscience, il sentit son souffle chaud se poser sur lui et le revivifier.
De l’affrontement épique qui suivit, il ne perçut que des ombres mouvantes, son sang continuant de s’écouler en flots. Le tumulte du combat lui parvint comme les échos d’une bataille lointaine, et il ne vit à l’œuvre ni les griffes du dragon, ni le draïch ensorcelé qui peinait à percer la formidable armure d’écailles. Il n’entendit qu’un faible cri, et le vague résonnement du métal contre le marbre quand le monstre ailé parvint à arracher l’épée du possédé ; alors que Raithael prenait la fuite, Arduilanar perdit connaissance, étendu dans une mare sanglante.


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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime5/2/2011, 14:07

VI
Révélations

Qu’il sache que je l’ai toujours aimé



Taeril Ulcolith relut une nouvelle fois l’étrange missive qu’il avait reçue la veille, la retournant entre ses doigts fins, l’observant avec attention pour y découvrir un quelconque signe de contrefaçon. Elle portait pourtant le sceau personnel du Roi-Sorcier, sans lequel il n’aurait prêté aucune foi à ce qui y était reporté. Le service d’espions de Naggaroth lui apprenait l’évasion d’un certain Raithael Theril, dont on soupçonnait qu’il se dirigerait vers les terres de Caledor, et il lui incombait de le retrouver à tout prix. Raithael avait, semblait-il, une grande valeur aux yeux de Malékith lui-même, et pouvait se révéler un atout déterminant au sein des armées druchii.
Ulcolith connaissait le seigneur Theril, suffisamment en tout cas pour savoir que ni lui ni aucun membre de sa famille n’auraient trahi Ulthuan. Il connaissait bien la haine que vouait le seigneur Theril au Culte du Plaisir, et il avait le plus grand mal à croire qu’un de ses fils puissent avoir rejoint le Roi-Sorcier. Mais la missive racontait comment, seul survivant des naufragés d’un navire-faucon égaré par la tempête, Raithael Theril avait peu à peu sombré dans la folie meurtrière ; traqué sans relâche, son esprit avait été brisé par la peur, la souffrance, et une soif croissante de tuer. Quand il avait finalement été capturé, on avait décelé en lui une incarnation vivante de Kaela Mensha Khaine, bien qu’une part de son ancienne volonté s’y opposât encore, et on lui avait remis une épée porteuse de sombres maléfices, capable de l’asservir totalement à ses pulsions et d’en faire une arme redoutable pour le compte de Naggaroth.
Et cependant, il avait réussi à s’enfuir, sans parvenir pour autant à se débarrasser de l’épée. Il ne faisait aucun doute, aux yeux des espions druchii, qu’il chercherait à retrouver le manoir où il vivait, proche de la cité de Tor Caelis. La mission de Taeril Ulcolith, en tant que serviteur secret du Culte du Plaisir et du Roi-Sorcier, était d’user de son influence de haut magistrat pour retrouver Raithael et de le renvoyer à Naggarond sous bonne escorte, tout cela dans le plus grand secret et sans laisser aucun témoin. Il était extrêmement dangereux, était-il précisé dans le message, sujet à de violentes pulsions et à une insatiable soif de sang ; une force quasi-divine l’animait dans ses accès de rage, et l’épée maléfique était encore plus à craindre entre ses mains.
Ulcolith soupira, et maudit l’incompétence des geôliers tandis qu’il brûlait la missive à la flamme d’une bougie. Qu’ils laissent s’échapper un tel fléau dans la nature était tout bonnement inacceptable, et il supportait mal d’avoir à réparer les erreurs des autres. Mais il savait aussi que lui seul avait la possibilité de mener cette tâche à bien. Il était influent et hors de tous soupçons, sa probité ne faisant aucun doute aux yeux de ses pairs. Ceux qui se dressaient au milieu de son chemin allaient le regretter amèrement, songea-t’il avec une satisfaction cruelle.


Arduilanar…
La voix grave et profonde résonnait dans son esprit embrumé, tentant de le tirer des tréfonds de l’inconscience.
Arduilanar…
L’elfe ouvrit les paupières, mais la lumière lui brûla les yeux. Une tache bleue indistincte se tenait contre lui, et il en sentit la douce chaleur contre son visage.
Son regard s’habituant à la luminosité, les contours de la forme vague se précisèrent, esquissant l’image d’une tête écailleuse.
Le temps est compté. Un nouveau fléau est en marche… Hélas pour ceux que tu aimais.
Arduilanar émergeait peu à peu, reprenant connaissance. Il était allongé, étendu sur le sol de marbre blanc teinté de rouge. Il tenta de se redresser, mais une douleur fulgurante le transperça.
Tes blessures ne sont pas guéries. La morsure de l’épée noire est profonde, et sa magie est cruelle.
Les yeux d’or le fixaient avec attention. Arduilanar comprit d’où venait la voix en même temps qu’il reconnut la créature qui se tenait auprès de lui.
Je suis Galemion.
Le dragon avait répondu avant même qu’il ne formule sa question, comme s’il avait pu lire dans les pensées du jeune elfe. Arduilanar leva le regard, découvrant le gigantesque corps ailé, puis observa son flanc droit. Une large déchirure y était ouverte, comme noircie par le feu. Les flammes immatérielles du draïch, se souvint-il. Le draïch qui avait tué ses deux parents… L’odeur du sang le frappa lorsqu’il recouvrit la mémoire. Il aurait voulu vomir – mais il n’en avait pas la force.
Sa mère n’avait pas bougé, continuant à le regarder de ses yeux vides. Son père, il le savait, avait connu le même sort.
Un nouveau drame te frappe, Amarthan Locëcundion. Ton destin est de marcher dans les ténèbres.
Les yeux embués de larme, Arduilanar hoqueta :
« Pourquoi… m’appelles-tu comme ça ? »
Tu n’es pas celui que tu crois être.
L’elfe trembla et referma les yeux. La tête lui tournait ; trop de pensées sombres l’assaillaient à la fois, trop d’interrogations douloureuses. Comment les dieux pouvaient-ils laisser faire cela ? Pourquoi le maintenaient-ils en vie ? Quelques jours plus tôt, il n’aurait même pas pu imaginer qu’une telle souffrance puisse exister, mais il avait été frappé dans son insouciance, privé en un jour de toutes ses raisons de vivre et d’espérer.
Ses parents étaient morts, assassinés par son propre frère. Sa mère avait été tuée sous ses yeux, sans qu’il ait été capable de la sauver. Il n’avait pas réussi à stopper l’élan meurtrier de Raithael, à lui rendre la raison. Il était responsable, et pire, il vivait encore. L’univers tournoyait, tanguait, comme agité par des flots déchaînés. Il était impossible d’échapper à la réalité, de fuir son étreinte gelée et sa cruauté perverse, l’implacable emprise du destin et de la fatalité.
« Laisse-moi », murmura-t’il au dragon. « Les dieux vont me rappeler à eux, laisse-moi maintenant. »
Tu n’as pas le droit de te laisser mourir, Amarthan. Tu dois vivre, vivre et te battre, pour honorer le sacrifice de ceux qui t’ont aimé. Tu n’es pas le fils de ceux qui t’ont élevé.
« Que racontes-tu… Je t’ai dit de partir. »
Arduilanar sentit alors la colère de Galemion, une colère brûlante, embrasée, qui chauffa son esprit à blanc.
Ta mère t’a confié à moi avant de mourir, Amarthan Locëcundion, et je ne te laisserai pas insulter sa mémoire en abandonnant !
Arduilanar rouvrit les yeux.
Nairë Locëcundion est celle qui t’a donné la vie. Tu avais tout son amour, mais elle n’a pu vivre assez longtemps pour te le dire. Elle m’a chargé de prendre soin de toi. C’est ainsi que tu as été remis au seigneur et à la dame Theril, pour qu’ils t’élèvent comme leur fils. J’ignorais que le destin te frapperait à nouveau. J’ai senti le danger s’approcher, mais il était trop tard.
L’elfe ne répondit pas, sous le choc de la révélation.
C’est ta mère qui m’a remis l’épée que tu portes. C’est l’héritage de ton père.
« Cela ne suffisait donc pas aux dieux de me priver de mes parents, il faut encore que j’apprenne qu’ils n’étaient ni mon père ni ma mère, et que je les perde ainsi une deuxième fois. »
Arduilanar n’obtint pas de réponse. Le dragon se recula, brisant le lien mental qui lui permettait de s’exprimer. Ce n’est qu’alors que l’elfe vit les entailles qui parcouraient le long corps écailleux. Galemion s’était battu avec Raithael, pour le protéger. Il tendit la main vers la tête bleue et en caressa les écailles.
« Merci. »


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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime6/2/2011, 14:16

VII
Exil

Adieu à ceux que j’ai aimé


« Monseigneur, nous l’avons retrouvé. »
L’œil éteint de Taeril Ulcolith brilla soudainement. Etendu dans son fauteuil qu’il n’avait pas quitté depuis des jours, il attendait cette nouvelle. Il aurait pu sembler dormir, mais son esprit restait vif et alerte.
Le garde s’inclina respectueusement.
« - Il errait dans les montagnes, hagard et couvert de sang séché. Il n’a guère offert de résistance et s’est laissé capturer presque aussitôt. Il était très affaibli et portait les marques de nombreuses blessures. Il a affronté plus fort que lui, peut-être même un dragon, au vu des traces de griffes.
- Amenez-le moi.
- Oui, monseigneur. »
Le garde s’inclina une nouvelle fois et se retira. Ulcolith se félicita de son ingéniosité. Il avait enjoint à ses hommes de main, parfaitement fidèles à sa cause, de rechercher Raithael dans les monts Anulii, tout en les faisant passer pour des Maîtres des épées, chargés d’enquêter dans le plus grand secret au nom du Roi-Phénix. Cela suffisait à disperser les soupçons et à éviter les questions embarrassantes. Il serait contraint de s’en débarrasser, évidemment. Il lui avait été clairement précisé qu’il ne devait rester aucun témoin, pas même parmi ses propres hommes. Le jeune Theril s’en chargerait sans difficulté. Le simple fait qu’il ait pu se tirer vivant d’un affrontement avec un dragon suffisait à prouver les incroyables capacités que lui procuraient sa folie meurtrière. Tout était si facile…

Raithael Theril était enchaîné au mur de la cave, le visage blanc, creusé, paraissant mort, et pourtant Ulcolith sentait la flamme intérieure qui le dévorait. Le draïch, posé quelques mètres plus loin, luisait à la lumière tremblotante d’une bougie. Le feu noir était éteint, mais les courbes cruelles semblaient se mouvoir dans la pénombre en une danse inquiétante.
« Tu n’aurais pas dû t’enfuir. »
La lame mordit la chair sous les tissus noirs. Raithael hurla de douleur.
« Personne ne t’entendra crier. »
L’épée creusa une nouvelle balafre, un nouveau cri inhumain retentit. Ulcolith approcha l’acier trempé de sang du visage déformé par la souffrance. Le rouge carmin se refléta dans ses yeux.
« Sens la caresse de l’épée, respire l’odeur du sang. »
Ulcolith sourit, et d’un geste nonchalant ouvrit une estafilade sur le torse de son prisonnier, avec une lenteur mesurée, pour qu’il puisse prendre conscience de chaque centimètre de chair tranchée. Les barbelures de l’épée gravaient de profonds sillons, et la lueur des yeux explosa, en un long hurlement de haine sauvage. Raithael se débattit comme un forcené, l’écume aux lèvres, parcouru de convulsions. Avec la même dolence, le tortionnaire brisa ses chaînes et lui remit la lame, sans se départir de son sourire.
« Et maintenant, tue. »


Le seigneur Ulcolith leur avait demandé de l’attendre dans les souterrains, le temps qu’il interroge le prisonnier. Il était fier de leur réussite, leur avait-il dit, et leur avait promis une récompense à la hauteur de leurs efforts. L’épaisse porte de métal s’ouvrit en grinçant. Les gardes se redressèrent…

Taeril Ulcolith contempla le carnage avec satisfaction. Les dix corps gisaient, déchirés, mutilés, figés en une dernière expression d’horreur. Le feu noir brûlait avec vigueur dans la main de Raithael, repu de mort, et le sang qui en gouttait, en tombant dans la mare rouge, résonnait lugubrement sous les arches de pierre.


Le manoir Theril avait été dévasté. La tour où se trouvaient les appartements du seigneur et de la dame Theril avait été largement détruite sur un côté, des pans entiers de murs s’étaient effondrés et avaient enfoncé le toit des bâtiments inférieurs. Une lutte sans merci avait eu lieu ici, un combat d’une puissance époustouflante. Ulcolith se souvint des paroles de son serviteur – un dragon… Un dragon aurait pu causer ces dégâts, mais Ulcolith n’arrivait pas à comprendre ce qu’une telle créature pouvait bien faire dans le manoir. Cela n’avait aucun sens…
Les membres de son escorte poussèrent les hautes portes d’entrée et pénétrèrent dans le hall, découvrant aussitôt le cadavre étendu sur le sol, l’épée encore à la main.
« - Seigneur Ulcolith, nous arrivons trop tard ! Le seigneur Theril a été assassiné…
- C’est bien ce que je craignais, hélas…, soupira-t’il. Nous devons aller constater ce qui est advenu dans la tour est, sans doute y découvrirons-nous un autre corps.
- Bien, monseigneur. »
Ulcolith se demanda comment il allait justifier les évènements. Il lui fallait trouver un responsable, pour détourner les soupçons de Raithael ; celui-ci, à l’heure qu’il était, devait être en train de s’embarquer secrètement pour Naggaroth, sous la maîtrise d’un équipage secrètement dévoué au Roi-Sorcier. Equipage qui, une fois Raithael livré, serait capturé et exécuté… Nul ne saurait jamais qu’il avait échappé à la mort, du moins jusqu’à ce que Malékith se décide à lancer un nouvel assaut sur les terres d’Ulthuan, révélant son nouvel allié. Mais pour l’heure, tout ce dont il avait besoin, c’était d’un coupable…
Le groupe s’avança sous les hautes voûtes blanches, suivant les traînées de sang séché qui s’étalaient sur le sol de marbre, et qui les menaient effectivement vers la tour est. Les lanciers progressaient avec lenteur et prudence dans les escaliers, redoutant ce qu’ils s’apprêtaient à trouver. Les traces rougeâtres continuaient jusqu’à une porte de frêne blanc qui battait au vent. Un souffle glacial les enveloppa lorsqu’ils pénétrèrent dans la pièce, découvrant deux corps ensanglantés.
Deux corps… Voilà qui n’était pas prévu. Ulcolith reconnut le plus proche ; la robe blanche tachée de sang désignait Aerianis Theril. Mais le second, qui gisait près des décombres devant l’ouverture béante creusée dans le mur, celui-là lui était inconnu. Un autre fils des Theril, peut-être ?
Ulcolith s’approcha. Le corps remua, provoquant un sursaut au magistrat. Il remarqua au même moment une épée, gisant sur le sol à quelques mètres de lui. Il sut aussitôt que les dieux lui avaient souri.
« Saisissez-vous de lui. »
Deux gardes s’avancèrent et se saisirent de l’adolescent inanimé, qui ouvrit les yeux et balbutia :
« - Qui… qui êtes-vous ?
- De par la loi sacrée du Roi-Phénix, nous vous arrêtons séance tenante, dans l’attente de votre jugement pour le meurtre du seigneur et de la dame Theril. Vous aurez à répondre de vos actes devant la justice divine d’Asuryan.
- Que… Vous vous méprenez, se défendit Arduilanar.
- Prenez aussi l’épée, ordonna Ulcolith, il s’agit très probablement de l’arme qu’il a utilisée pour les assassiner.
- Oui, monseigneur. »


C’était une erreur. Ce ne pouvait être qu’une monstrueuse erreur. Arduilanar prit sa tête entre ses mains, repassant les évènements dans sa tête pour tenter d’éclaircir la situation. Galemion l’avait laissé quelques instants pour aller chasser dans la forêt proche, sans être capable de s’envoler, cloué au sol par ses blessures. Mais il avait été arrêté, accusé du meurtre de ses parents, traîné jusqu’aux geôles du tribunal de Tor Caelis. Après quelques jours, on l’avait fait assister à un procès, dirigé par un certain Taeril Ulcolith. Il avait tout raconté, mais nul n’avait semblé le croire. Puis les témoins avaient comparu. Aerion Thirdel, d’abord, qui avait confirmé que Raithael avait disparu avec le reste de l’équipage de l’Oriflamme de Lothern, et qu’il était venu lui-même en porter la nouvelle au manoir Theril. Puis d’autres, qui affirmèrent qu’Arduilanar n’avait jamais été le fils des Theril, et que ceux-ci l’avaient recueilli des années plus tôt, alors qu’il n’était qu’un nourrisson. Le magistrat avait alors exposé ce qu’il supposait être le déroulement du drame. Arduilanar, éprouvé par la disparition de son frère, et ayant appris sa filiation, aurait été saisi de folie, et aurait assassiné son père puis sa mère. Certains éléments demeuraient cependant inexpliqués, tels que les blessures d’Arduilanar, ou les dégâts causés au manoir. Sans doute la foudre, en frappant le mur, avait provoqué un éboulement qui avait stoppé le meurtrier. Ses histoires de retour de son frère, de possédé de Khaine et d’épée maléfique n’avaient pas convaincu les jurés, mais en attendant les résultats de l’enquête, le jeune elfe avait été incarcéré.
Une erreur, oui. Ou un complot. L’acharnement avec lequel on se dressait contre lui devenait alors plus compréhensible. Mais qui aurait pu lui en vouloir ? Tous, pensa-t’il avec amertume. L’univers entier avait choisi de l’accabler. Le dragon avait raison, son destin était de marcher dans les ténèbres. De quelle manière avait-il pu offenser les dieux ? Ceux-ci lui avaient tout pris : ses parents, son frère, son honneur et sa liberté. Galemion lui-même paraissait l’avoir oublié.

« Seigneur Theril ! »
La voix était à peine un murmure, un souffle dans la nuit.
« Seigneur Theril, je suis venu vous aider. Il vous faut partir immédiatement. De grandes forces sont liguées contre vous… »
Arduilanar se releva, se tournant vers la lucarne d’où provenait la voix.
« - Qui êtes-vous ? Que racontez-vous ?
- Ce n’est pas le moment d’en discuter, poursuivit la voix. Ils peuvent venir vous chercher à tout instant. Reculez ! »
L’adolescent s’exécuta. Un éclair blanc jaillit, lui brûlant la rétine. Les barreaux tombèrent sur le sol avec un bruit mat.
« Attrapez ma main. »
Arduilanar se saisit de la main tendue à travers l’ouverture, et s’extirpa comme il put, aidé par son énigmatique sauveur. Parvenu à l’air libre, il contempla la silhouette encapuchonnée et vêtue de noir.
« Mettez-ça et suivez-moi. »
Il lui remit un habit semblable au sien, dont l’adolescent se vêtit. Les deux ombres se fondirent dans la nuit, parcourant la ville déserte. Etrangement, aucun garde ne patrouillait au sommet des murailles, les portes de la cité n’étaient même pas fermées. Arduilanar et l’elfe encapuchonné sortirent de Tor Caelis, et s’enfoncèrent dans la forêt de conifères.
« - Bien, nous sommes assez éloignés pour l’instant. Vous n’étiez pas en sécurité au tribunal.
- Que voulez-vous dire ? Et qui êtes-vous ?
- Le magistrat Taeril Ulcolith est corrompu. Pour défendre ses sombres intérêts, il vous a fait accuser et prévoyait de vous faire assassiner dès qu’il en aurait l’occasion. Je fais partie des Maîtres des Epées de Hoeth, et suis chargé de surveiller chacune de ses actions depuis des années. J’ai tout de suite senti que vous étiez innocent, vue la façon dont il cherchait à vous nuire. Vous devez fuir si vous tenez à la vie.
- Mais… je ne sais pas où aller !
- Je vous accompagnerai jusqu’à Hoeth, pour vous placer sous la protection de l’Ordre. Taeril Ulcolith est puissant, mais n’a aucun pouvoir sur nous. »
L’inconnu décrocha de sa ceinture un objet longiligne, enveloppé dans du tissu.
« - Voilà votre épée. Vous en aurez besoin. »
Arduilanar déplia soigneusement l’étoffe, et admira le fourreau incrusté de gemmes. Son cœur se serra. C’était tout ce qu’il lui restait – il n’avait plus ni identité, ni famille. Il n’était plus rien, mais il avait l’épée, comme un souvenir lointain le rattachant à la réalité, héritage mystérieux d’un père inconnu. Il dégaina la lame bleutée, et le temps parut se ralentir.
Au contact de sa main, les flammes d’azur se réveillèrent, nimbant l’acier d’un halo lumineux. Au même instant, il prit conscience d’un mouvement furtif dans son dos, et du reflet du métal derrière son épaule. Il se retourna, en une seconde qui lui parut durer des heures. Le sourire cruel de son compagnon, le poignard levé dans l’ombre. Le grondement parmi les arbres. Le bras prêt à frapper – et l’irruption d’une mâchoire démesurée, qui happa l’assassin entre ses dents, broyant son corps dans un craquement ignoble.
Terrifié, Arduilanar regarda Galemion relâcher sa prise, les yeux jaunes flamboyants de colère dans la nuit. L’elfe encapuchonné chut, le corps disloqué, visiblement mort. La lueur des yeux d’or s’apaisa. Hébété, le cœur battant à pleine vitesse, l’adolescent comprit ce à quoi il venait d’échapper.
Tu t’es montré imprudent, Amarthan Locëcundion.
« Il a… essayé de me tuer ! »
De grandes forces sont liguées contre toi… Il ne t’a pas menti. Ton seul salut réside dans la fuite et l’exil.
On l’avait fait enfuir pour l’assassiner. Le discours de cet inconnu avait certainement une part de vérité. Si le magistrat Ulcolith était effectivement corrompu, et peut-être même à la solde de Naggaroth, tout se comprenait mieux. Lui était le témoin gênant d’évènements qui auraient dû rester secrets. Ce qu’il avait pu advenir à Raithael, sur les rivages glacés de la Terre du Grand Froid, Arduilanar l’ignorait ; mais les Druchii fomentaient de sombres plans. L’adolescent se sentit vulnérable, impuissant fétu de paille agité par la tempête de puissances supérieures dont il n’était qu’un instrument…
Il ne les laisserait pas faire. Il retrouverait son frère, et le libérerait de son démon, fut-ce par la mort. Il affronterait les responsables de son malheur, se battrait contre les elfes noirs. Une détermination farouche saisit son cœur. Tout ce qu’il pouvait faire pour le moment, c’était fuir – fuir pour revenir une fois assuré de ses forces, pour venger ceux qu’il aimait.
« Où irai-je ? M’accompagneras-tu ? »
Le ton même de sa voix était changé, plus assuré, moins hésitant.
De la route que tu dois prendre, il n’appartient plus qu’à toi d’en décider. Nos chemins se séparent ici, fils du dragon. Tes seules alliées seront la discrétion et la rapidité, et je ne puis t’être d’aucun secours si je ne vole pas. Tu seras traqué, poursuivi sans relâche sur ce continent comme sur d’autres, et l’épée sera ton seul compagnon d’exil. Moi qui suis une créature d’essence magique, je distingue les huit vents qu’elle canalise. Elle te sera d’un grand secours si tu parviens à la maîtriser.
Arduilanar caressa le museau rugueux du dragon.
« Nous nous reverrons, Galemion. Je t’en fais la promesse. »
J’attendrai ton retour, Amarthan, et le jour où nos chemins se croiseront à nouveau. Puissent les dieux veiller sur toi quand tu marcheras sur des routes sombres.
« Adieu ! Adieu à Caledor, et à ceux que j’ai aimé. »
Le dragon observa Arduilanar s’avancer entre les arbres, puis disparaître dans l’obscurité des frondaisons. Il resta de longues heures, figé dans la même position, d’une immobilité de statue, le regard tourné dans la direction où l’elfe était parti. Puis, quand l’aube se leva, baignant la forêt de ses lueurs roses, il retourna vers les montagnes.
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Arduilanar
L'Effrayant
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MessageSujet: Re: II - Fils d'Ulthuan   II - Fils d'Ulthuan Icon_minitime10/2/2011, 10:31

VIII
Frères de souffrance

Où les fils du destin se nouent.


Arduilanar frissonna et tenta de serrer contre lui ce qui restait de sa cape, quelques vagues lambeaux de tissu noir trempés d’humidité. Il n’accorda qu’un bref regard au spectacle grandiose qui se jouait sous ses yeux. Pour lui seul, le soleil se levait sur les monts Anulii, inondant le ciel et la terre de sa lumière, faisant étinceler chaque goutte de la rosée matinale comme autant de miroirs. Les fines traînées nuageuses se teintèrent de doux roses et d’oranges chatoyants, l’ombre des montagnes se colora de parme. L’univers entier chantait la venue d’un nouveau jour – mais lui grelottait, maudissant les heures glacées de l’aube.
Son cheval, un noble animal qu’il avait « emprunté » à une auberge au cours de son avancée clandestine, progressait avec de plus en plus de difficultés sur les sentiers rocailleux des Anulii. Les longues journées sans repos, le manque de soins et de nourriture l’avaient rapidement transformé en une créature décharnée et maladive.
Arduilanar s’autorisa à fermer les yeux un instant. Les recherches avaient perdu un peu de leur intensité, maintenant qu’il était loin de Caledor. Dès que sa disparition avait été signalée, les patrouilles de Tor Caelis avaient tenté de le retrouver, puis l’ordre avait été transmis aux villes proches, et enfin au royaume de Caledor tout entier. Sa fuite constituait le plus évident des aveux. Mais ce n’étaient pas les soldats qu’il redoutait le plus. Taeril Ulcolith avait dépêché ses propres hommes, des tueurs sans pitié et qui l’avaient traqué inlassablement. Des souvenirs de nuits entières passées dans des fossés boueux ou au creux de combes pierreuses, le cœur serré d’angoisse, tandis qu’au-dessus résonnaient les bruits de bottes et que brillaient les torches… Par un étrange miracle, il était parvenu à leur échapper, vivant de quelques rapines et de fruits sauvages. Il avait même réussi à se servir de l’épée pour allumer des feux. Ses gestes étaient encore mal assurés, ses paroles hésitantes, mais il avait trouvé les mots et les mouvements ésotériques qui délivraient le potentiel magique.
Il se sentit gagné peu à peu par la torpeur. Il s’était accordé si peu de repos… Sa respiration se ralentit peu à peu, son esprit s’embruma tandis qu’il s’enfonçait avec plaisir dans un sommeil réparateur. Le temps se déforma, les minutes s’étirant à l’infini en une lente procession… Il fut réveillé avec brutalité, chutant douloureusement sur le sol. Il se releva avec peine, endolori. Son cheval, allongé, haletait, l’écume aux naseaux, les yeux écarquillés de douleur. Son pied avait buté contre une aspérité du chemin, le jarret s’était déchiré et saignait abondamment. Arduilanar, désemparé, regarda sa misérable monture agoniser sous ses yeux. Détournant le regard, il dégaina son épée – et tout fut fini. Il essuya sa lame contre son manteau et reprit sa route, titubant, épuisé de fatigue, et à pied.


Les coups de hache résonnaient avec fracas dans la forêt de hauts pins. L’odeur piquante de la sève emplissait l’air vif des montagnes, et Irnaël, paisiblement allongé, regardait son maître frapper à coups répétés. Un dernier effort, une dernière morsure de la hache – et l’arbre s’effondra. Ilmathril posa son arme et s’assit pour reprendre son souffle.
Il n’avait pas encore retrouvé sa forme et sa musculature passées, mais l’effort physique et la vie à l’air libre lui avaient été salutaires. Il ne restait rien du prisonnier décharné et maltraité ; rien, sinon les innombrables cicatrices qui parcouraient son corps de géant, et une lueur froide et inflexible dans le regard. Il avait cru retrouver le calme et la sérénité une fois revenu à Chrace, comme si un enchantement le liait à sa terre natale, mais il fut cruellement déçu. Même au milieu des forêts de sapins, même dans les montagnes de son enfance, ses blessures intérieures peinaient à se refermer. Oublier était impossible. Même ceux de sa propre race le regardaient avec mépris ou, au mieux, curiosité, le pointant du doigt, chuchotant à son passage. Il n’était rien d’autre à leurs yeux qu’un sauvage taciturne et balafré, évadé par mystère des geôles druchii. Il avait alors préféré vivre seul, seul avec Mindoniel, son inséparable et fidèle compagnon, tentant de retrouver sa force de jadis pour retourner se battre. Il ne trouverait le repos que dans la vengeance ou la mort.
Il se remit à l’ouvrage avec ardeur, tâchant de vider son esprit par le travail acharné. Il remarqua à peine Mindoniel disparaître. Par les dieux, qu’était-il allé faire ? Cela ne lui ressemblait absolument pas. La hache à la main, il le suivit, s’enfonçant dans les fourrés.

Mindoniel reniflait la forme noire étendue sur le sol d’aiguilles de pin. Ilmathril s’avança, découvrant le visage d’un jeune elfe, pâle, creusé par la faim et inanimé. Il crut presque se reconnaître, arrivant sur les rivages d’Ulthuan quelques mois plus tôt. Sans se poser plus de questions, il souleva le corps frêle et le chargea sur ses larges épaules.


Il l’avait veillé, tout le jour et toute la nuit. Il avait pansé ses blessures, lui appliquant un cataplasme d’herbes médicinales. Il avait observé le visage blond endormi, si faible, si démuni… Un petit frère, uni par les mêmes souffrances. Son protégé remua les paupières.
Arduilanar ouvrit les yeux. Il ne reconnaissait pas les lieux, ni les épaisses poutres de pin, ni le lit sur lequel il était couché. Il se redressa brusquement, comprenant qu’il n’était pas seul.
« Du calme. Si tu remues, le bandage ne va pas tenir. »
L’adolescent se tourna vers la voix. Le visage impassible et couvert de cicatrices se tenait juste au dessus de lui.
« - Qui êtes-vous ? Je… ne devrais pas être ici.
- Hum, se renfrogna Ilmathril. Je t’ai trouvé hier dans la forêt. Tu pourrais me remercier. »
Arduilanar jeta un regard angoissé autour de lui. Il était dans une chaumière de bois, peut-être une cabane de bûcheron, à l’aménagement fruste, et son épée était posée, dans son fourreau, sur une table de pin. Il se calma. Il n’était pas emprisonné – du moins pas encore.
« - Vous ne devriez pas me garder. Merci pour ce que vous avez fait, mais je ne peux pas rester ici. Où suis-je, et qui êtes-vous ?
- Je vais te poser les questions, répondit Arsuynar avec autorité. Qui es-tu, toi qui te perds dans les forêts de Chrace, blessé, traqué comme une bête sauvage ? »
Arduilanar plongea ses yeux dans les yeux bleus, bleus comme le ciel, limpides mais gelés. Il prit le risque d’accorder sa confiance à cet étranger. Après tout, comment la situation aurait-elle pu plus mal tourner ? Il était d’ores et déjà à sa merci.
« - Je suis traqué en effet, et bien loin de ma terre. Je suis innocent, mais j’ai dû fuir pour sauver ma vie. Je… vais partir sur l’heure. Je ne veux pas vous causer d’ennuis.
- Tu partiras quand tu tiendras debout. Mais je veux d’abord entendre ton histoire. Bois donc, cela te rendra des forces. »
Le géant lui tendit un bol, empli d’un bouillon de viande aux herbes. Le plat était à mille lieues de ce à quoi un jeune prince de Caledor pouvait être habitué, mais Arduilanar l’avala goulûment, au grand amusement d’Ilmathril.
Il lui raconta tout – son enfance dans les montagnes de Caledor, auprès de ceux qu’il avait toujours considéré comme sa famille ; la disparition de son frère, son retour tragique, la perte de ses êtres chers ; puis le complot, les plans odieux fomentés dans l’ombre, son accusation, sa fuite, les poursuites incessantes. L’elfe de Chrace ne répondit rien, écoutant en silence. Ainsi, même si jeune, lui aussi avait souffert au-delà de toute mesure… Ils étaient vraiment deux frères. Deux frères unis par la même injustice, et le même désir de vengeance.
« - Vous comprenez pourquoi je ne peux accepter votre hospitalité. Même ici, ils pourraient me retrouver – et surtout, je ne souhaite pas vous impliquer dans cette histoire.
- Tu dois partir, et je t’accompagne. Qu’importe où nos pas nous mèneront, je serai à tes côtés.
- Vous ne comprenez pas, soupira Arduilanar. Vous allez vous causer de gros soucis…
- Tu crois donc avoir l’apanage du malheur ? » Les yeux d’Ilmathril flamboyèrent un instant avant de s’éteindre, semblant se perdre dans le vague. « J’ai tout perdu… Plus rien ne me retient ici, et il est hors de question que je te laisse aller seul. Inutile d’en discuter. »
L’adolescent céda devant l’inflexion autoritaire du géant. Celui-ci avait l’air parfaitement décidé – et puis, il était secrètement heureux d’avoir trouvé un compagnon de route.
« - Bien, euh… j’envisageais de m’embarquer pour le Vieux Monde, répondit-il avec hésitation.
- Cela me semble plus prudent. Dès que tu marcheras, nous rejoindrons un port. »


Arduilanar regardait les flots sombres défiler sous ses yeux, scintillant timidement à la lueur des étoiles. Le vent marin fouettait sa figure, lui apportant le parfum encore inconnu du large. Le souvenir des semaines passées assaillait sa mémoire… Il se revit, vêtu à la manière des bûcherons de Chrace, l’épée soigneusement dissimulée sous ses vêtements, accompagner Ilmathril et Mindoniel auprès du capitaine d’un petit navire marchand. Il revit le marin hésiter, arguant que sa route le menait d’abord à Lothern ; mais un grondement du lion suffit à le convaincre de modifier son itinéraire. Il avait fait ses adieux à Ulthuan, son île, sa patrie éternelle, verte et pure, ensoleillée et douce, la quittant pour un Vieux Monde dont il savait peu de choses mais où il savait que l’attendaient de nouvelles ténèbres. Il avait découvert la mer, les étendues infinies de l’Océan, lui qui ne connaissait que les montagnes de Caledor, et pour la première fois, il avait aussi ressenti la douleur de l’exil, la pensée qu’il ne foulerait peut-être plus jamais la terre où ses parents, espérait-il, avaient été dignement inhumés…
Une larme coula sur son visage – fugace étoile sous le ciel de velours, aussitôt perdue dans l’immensité des eaux.
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