Quelque par dans la jungle.

Il ouvrit les yeux, le flot de lumière l'aveugla. Il prit rapidement conscience de son nouvel environnement et cela le perturba, il avait peur. Des flashs l'assaillaient, son esprit était confus, il ne comprenait pas. Il s'imposa le calme et y parvint difficilement. Il respira lentement et observa les alentours. Il était encore dans la capsule de sauvetage, bien qu'il ne se souviennent pas d'y être monté. La chute l'avait gravement endommagé et le choc de l'atterrissage avait arraché la porte... non elle avait sauté pour libérer le passage. Les parois étaient tordues, couvertes de terre et de branchages. L'homme tenta de se mettre debout mais retomba bien vite à plat ventre. Il opta pour une méthode plus sûre. Il rampa hors de la capsule et le monde lui inonda la vue. Des arbres, des centaines, où qu'il portât le regard, il voyait des arbres et de grandes plantes à larges feuilles. Il chercha désespérément quelque choses de familier pour se rassurer, un point de repère, n'importe quoi. Mais il ne reconnaissait rien. Il se mit à quatre pattes, garda la tête contre le sol et le frappa du poing. Même cela il ne connaissait pas et pourtant il savait au fond de lui que c'était terriblement banal.

Les minutes passèrent, il avait mal au crâne, l'endroit était bruyant, il n'avait pas l'habitude. Un bruit lui fit lever la tête, à trois mètres devant lui, on l'observait avec beaucoup de curiosité semblait-il. Il n'était pas plus gros qu'un chat et ressemblait à un tout petit homme couvert de poils bariolés.

- Aide moi... il fut surprit par le croassement qui sortit de sa gorge.

Le petit animal aussi car il s'en fut à toute allure. Mais l'homme n'en resta pas là, les lieux ne lui inspirait pas confiance, c'était trop vaste, il marcha donc à quatre pattes, ne pouvant se relever. Il arriva devant un petit creux qui contenait un étrange liquide opaque, il y voyait un homme, le visage tuméfié, le corps couvert de marques et de cicatrices. Il remarqua aussi le huit marqué au fer rouge sur son torse collant de sueur. Brusquement il vit une salle, grande et spartiate, deux hommes le maintenaient immobile tandis qu'un autre lui appliquait un fer brûlant sur la peau. il senti la brûlure et serra les dents. Il ne retint pas la douleur et cria.

Il rouvrit les yeux, son reflet le dévisageait, essoufflé, la flaque bouillonnait encore, avait-il fait cela ? Non, l'eau avait dû se mettre à bouillir pour une raison quelconque. Il secoua la tête pour chasser ces horribles souvenirs dont il n'était pas certain qu'ils soient les siens tant ils étaient étranges et reporta son attention sur son reflet. C'est là qu'il se rendit compte qu'il ne portait aucun vêtement, il sut vaguement qu'il faudrait s'en inquiéter tôt ou tard. Mais pour l'heure il voulait se mettre en station debout et il s'attela à la tâche.

Il lui fallut une bonne demi heure pour tenir en équilibre précaire sur ses pieds et encore une heure pour marcher sans tomber. Il sourit, du moins c'est ce qu'il commanda à ses muscles mais pas grand choses n'en résulta. Il laissa ce problème de côté et marcha droit devant lui. Il ignorait ce qu'il comptait atteindre, mais rester là lui semblait une mauvaise idée. Il ne tenait pas à tomber nez à nez avec l'étrange créature de tout à l'heure, il n'aimait pas ce regard si inquisiteur. Il se mit donc en route, avec de la chance, il rencontrerait quelqu'un qui pourrait... il s'arrêta, et s'il était le seul dans les environs ? Et quand bien même, s'il croisait une personne, comment savoir si elle lui voudrait du mal et surtout que devait-il faire ? Il s'interrogea et finit par ce dire que ladite personne répondrait sûrement à toute ses questions, il n'y avait pas de raison qu'on ne le fasse pas après tout. Il continua sa marche, rasséréné, on allait l'aider.

Ses pieds lui faisaient mal, il boitait à chaque fois qu'il le posait par terre. Il s'arrêta donc et observa ses pieds rougis de sang comme un problème insoluble. Après les avoir considéré un moment il scruta les alentours, à la recherche de quelque chose d'utile. Mais les arbres cachaient tout, c'était donc décidé, il n'aimait pas beaucoup les arbres, trop nombreux et trop bruyants. Comment pouvait-on supporter ce bavardage incessant ? De plus, ce babillage restait obscur à sa raison, des suites de stridulations perçantes, ni plus ni moins. L'homme releva la tête et son coeur battit la chamade. Les buissons avaient bougé pour laisser passer le petit animal de tout à l'heure. Le regard était toujours aussi plein de curiosité innocente.

Devait-il en avoir peur ? Il était sensiblement plus petit que lui et il ne faisait pas de bruit. Il choisit donc que l'animal ne représentait aucun danger immédiat. Pourtant il était mal à l'aise devant ce regard brillant d'intelligence, il donnait la sensation de lire dans les pensées.

- Prrrruuu ? l'animal pivota la tête, se donnant un air songeur.

L'homme sursauta, et ne fit plus un geste. Il attendit, parfaitement immobile, qu'était-ce la signification de ces mots ? Que dire ? Il n'avait pas envie de le mettre en colère.

- Je suis perdu, tenta l'homme en se demandant si le son rauque qui sortait de sa gorge était bien le sien.
- Prrrruuuuuu. le cri était plus strident mais tout aussi amical.
- Je comprend pas, rétorqua t-il en baissant la tête, sincèrement désolé.

Les deux interlocuteurs se dévisagèrent pendant un moment dans le calme relatif de la jungle. L'animal trottina tranquillement vers l'humain qui resta de marbre en priant que rien de fâcheux ne lui arrive, le sol trembla imperceptiblement. L'animal le sentit et se figea derechef. Il patienta et reprit sa route de façon à se trouver au pied de l'homme et réitéra son petit cri interrogatif. Il se baissa vers la petite boule de poils. Cette dernière redressa la tête, attendant visiblement quelque chose. C'est d'une main tremblante qu'il frôla la tête poilue et la retira comme s'il s'était brûlé, le sol trembla à nouveaux très légèrement. L'homme regarda sa main, complètement fasciné. Il jeta un regard impénétrable à la créature et à gestes hésitants lui gratta le sommet du crâne. L'animal laissa échapper un grondement qui indiqua que ça lui plaisait.

- Doux, constata-t-il.
- Prrrruuuuu.
- Doux, répéta l'homme le ton affermit.

Ce fut sans prévenir et avec une souplesse redoutable que Doux se hissa sur les épaules de l'homme pour se lover autour se cou en se frottant le museau de ses pattes griffues. Il relâcha sa respiration, l'animal ne voulait pas lui faire de mal.
Il pensa alors qu'il était plus que temps de se pencher sur ses pieds couvert de sang, il était à peu près certain que ça en était. Mais alors qu'il grattait son nouvel ami sous le menton en se demandant comment il allait remédier à son épineux problème, une image se présenta à son esprit. Il était attaché sur une table, des hommes l'entouraient en agitant de petits objets brillants et qui faisaient mal... si mal. Les sinistres individus étaient habillés de blouses blanches et discutaient entre eux, mais il avait si mal... tellement mal.
Une autre douleur interrompit la scène, son oreille le lançait, il y porta un doigt et y recueillit un goutte de sang. Avec la mine peignée d'incompréhension il dévisagea Doux qui se tenait dressé sur son épaule, la fourrure hérissée. C'est alors que l'homme remarqua le triste spectacle qui l'entourait. Une demie douzaine d'arbres gisaient pauvrement au sol, brisés et carbonisés, comme frappés par la foudre. Il fouilla le chemin du regard, cherchant le responsable de tout ceci, mais il ne vit personne.
Puis, comme Doux reprenait sa position initiale et que ses pieds étaient moins endoloris il jugea qu'il n'avait pas lieu de s'inquiéter et qu'il pouvait sereinement reprendre sa route.