Les Flammes de la Guerre
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Les Flammes de la Guerre

C'est une époque sombre et sanglante, une époque de démons et de sorcellerie, une époque de batailles et de mort. C'est la Fin des Temps.
 
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 Fils de la Vengeance

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MessageSujet: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:29

Fils de la Vengeance



Les Egarés
Où ils sont perdus...

I
Fils du Vieux Monde

Une ère révolue, un héros damné. Un démon innommable, une prophétie perdue. Une antique cité au bord de la ruine...
Le décor est planté.



I
Gloire

Où la gloire ne promet pas une mort de guerrier…


Quand la horde parvint aux portes de Karak Drazak, ils furent le dernier rempart. Vague après vague, ils combattirent et tombèrent, inébranlables face aux flots de violence et de haine, seuls face à la fureur nommée Peau-Vertes. Ils combattirent et tombèrent, tels les puissants dieux de jadis. Et la marée déferlante se brisa.
Les Peaux-Vertes étaient vaincus, et la cité sauvée. Deux armes leur furent offertes pour les remercier de leur bravoure. Deux armes d’une puissance inimaginable, forgées par les plus talentueux Maîtres des Runes. Une épée pour le père, une hache pour le fils.
Ils s’appelaient Leiden, et leur soif de gloire n’avait pas de répit. Car c’est la gloire qui devait causer leur perte. La gloire qui devait les damner à jamais.

Au cœur des domaines du Chaos, où se déchaînent les sombres puissances des Dieux Noirs et des démons, ils trouvèrent leur destin.

La tempête faisait rage, apocalyptique. Une tempête de la fin des temps qui engloutirait le monde dans ses déchaînements effroyables, mais seulement pâle reflet du combat qui se déroulait en son sein. Leiden et le Démon.

Le fils tomba pour ne plus se relever, et la hache tomba au sol. Le père affronta seul le démon sans âge. Accablé de chagrin et de colère, la puissance maligne s’immisça dans les tréfonds de son âme et il fut perdu.
Le démon fut vaincu, le cou tranché par la lame vengeresse. Mais les Dieux Sombres en avaient décidé autrement. Son essence, consumée par la haine et prisonnière de la tempête ne fut pas bannie. Les chaînes qui le retenaient à la réalité ne furent pas brisées. Il réclamait un hôte.
Le père fut condamné, mais il refusa la possession démoniaque. Ce ne fut pas son cœur que la lame perça, et ce ne fut pas son cri qui éclata et retentit dans les Désolations. La tempête mourut avec lui, et ils expirèrent ensemble, sa dernière plainte emportée par les vents. Le ciel résonna de ses lamentations pendant des jours, jusqu’à ce que de plus grands malheurs encore étouffent sa peine.
Un ciel du noir le plus profond, sans nuages ni étoiles, où Morrslieb régnait en maîtresse, seule, impitoyable et glacée. Une hache luisait d’un éclat venimeux, sa surface torturée ondoyant sous le regard phosphorescent que la lune braquait sur elle. Elle paraissait si fragile, si faible, perdue dans ces domaines hostiles. Et pourtant, un mal infini en suintait, un mal terriblement ancien qui gangrenait le sol et corrompait l’air.
La nuit résonnait de paroles répétées, tantôt murmures de désespoir, tantôt hurlement effrayants, et Morrslieb en était le témoin.

« Son sang sera bu et sa chair dévorée. L’immortalité sera ta récompense… »


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:31

II
Sang


[Je suis profondément désolé, ce n'est pas fini. Mais ça n'est pas indispensable. Pour résumer, Khârne, chef maraudeur, tue un champion en duel et lui prend son arme. La fameuse hache.]


Dernière édition par Backe le 26/11/2008, 20:27, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:31

III
Sans nuages ni étoiles

Ceux qui marchent dans les brumes.



« L’immortalité sera ta récompense… L’immortalité sera ta récompense… L’immortalité sera ta récompense ! L’IMMORTALITE SERA TA RECOMPENSE ! »
Il se réveilla en sursaut, frissonnant et collant de sueur, le souffle court. Une fois de plus. Une fois de plus, sa nuit avait été courte, peuplée de rêves impossibles dont il ne gardait aucun souvenir. Et une fois de plus, il était épuisé. Son sommeil n’avait fait que lui retirer un peu plus de ses forces, déjà sérieusement entamées par le voyage. Voilà plusieurs jours qu’il errait sur cette terre désolée, sans aucune idée de la distance parcourue, et encore moins de l’endroit où il se trouvait. De hauts pics aux formes tranchantes et torturées s’élevaient de part et d’autre, interdisant à son regard de se porter sur l’horizon. Le sol rocheux et stérile avait été sa couche depuis tout ce temps. Il rejeta la lourde cape de fourrures et se redressa sur ses coudes. Il ne savait même pas pourquoi il était parti. Il caressa le manche de sa hache. Il aurait tellement voulu savoir…

Quelque chose le tira de ses réflexions. Un corbeau. Il voulut le chasser, mais arrêta son geste quand ses yeux croisèrent les deux globes noirs de l’animal. Deux puits de ténèbres, plus noires que son plumage de jais. Aussi noires que ses nuits... Il s’approchait lentement, à petits pas assurés, le regard plongé dans le sien. Arrivé à sa hauteur, il se figea. Au fond des deux puits brillait maintenant une lueur verte. Les serres de la funeste créature se refermèrent sur le bras de Khârne, et le contact fut glacé. Dans un mouvement trop vif pour que l’œil le suive, le corbeau enfonça son bec acéré dans ses chairs. Le sang jaillit de la blessure profonde et l’intense douleur se propagea bien au-delà de son épicentre. Il se sentit percé de toutes parts, fut pris de vertiges, et un voile noir obscurcit sa vue l’espace d’un instant. L’instant d’après, le corbeau avait disparu. Il poussa un mugissement de rage, empoigna fermement son arme et sauta sur ses jambes, cherchant le volatile des yeux. Mais la terre qui s’étendait à ses pieds était stérile et vide. Il était seul.

Au dessus de lui, le ciel était noir, du noir le plus profond, sans nuages ni étoiles. Impitoyable et glacée, seule dans le royaume des ténèbres, Morrslieb le regardait. Il leva les yeux et plongea son regard dans la lueur malveillante. La même lueur qui était née dans l’œil du corbeau. Le chemin lui parut aussitôt moins embrumé, plus clair et plus limpide. Les ténèbres qui lui en masquaient la fin reculèrent. Il avait voulu savoir, et voilà qu’une partie de la réponse lui était révélée. Comme si une torche avait été allumée sur sa route. Cet éclair de compréhension supposée réussit presque à dessiner un sourire sur ses lèvres et mit ses jambes en marche. Il marcha toute la nuit, Morrslieb pour lanterne, éclairant sa route et guidant ses pas. A l’aube, l’éclat du soleil effaça celui de son guide, et il maudit le globe blafard pour l’avoir perdu à nouveau. Les montagnes lui parurent plus lointaines encore qu’auparavant. Mais Morrslieb avait réussi, et le soleil avait échoué. Il était peut-être perdu, mais il n’était plus seul. Un arbre se dressait devant lui.

Un cadavre végétal, aux branches acérées et inquiétantes, sinistre dans sa robe grise. Il paraissait attendre. Cette idée mit Khârne mal à l’aise, mais il la balaya aussitôt et s’approcha de l’arbre mort. Son écorce était gravée d’inscriptions étranges, en caractères ésotériques et incompréhensibles. Elles le recouvraient entièrement, des racines jusqu’aux extrémités des branches, si bien que l’arbre paraissait crouler sous leur poids. Pris d’une soudaine euphorie, convaincu que d’autres réponses se trouvaient gravées dans cette écorce, il entreprit de les lire. Toutes. Alors que le soleil commençait son déclin, il trouva enfin celle qu’il cherchait. Incroyablement ancienne, abîmée par le passage des siècles, une succession de caractères aux courbes tourmentées et aux lignes tranchantes qui s’étendait à hauteur d’homme. Il caressa l’enchaînement mystique du bout des doigts, l’autre main serrée sur le manche de la hache, les articulations blanchies. Un murmure s’insinua dans sa chair, remonta le long de son bras jusqu’à traverser tout son être.
« L’immortalité sera ta récompense…»
Une nouvelle torche s’alluma et les ténèbres reculèrent un peu plus. Ces paroles étaient celles qui l’avaient réveillé en sursaut ce matin, et tous les autres matins que son voyage lui avait offert d’endurer. Il en comprenait enfin le sens, et vacilla presque sous le poids terrible que cette révélation avait mis d’un coup sur ses épaules. L’immortalité… Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça avait quelque chose d’attrayant. Fébrile, il reprit sa lecture, le tracé ancien déroulant sa prophétie sous ses doigts.
« Le sang sera bu… »
Le contact de la hache était devenu brûlant, mais il n’en eut même pas connaissance, totalement obnubilé par les paroles qui le traversaient.
« Et la chair dévorée… »
Cruelles et glacées, mais terriblement fascinantes, il les sentait s’assembler en lui.
« L’immortalité sera ta récompense. »
Elles devinrent si obsédantes, si tangibles, qu’elles parvinrent à se frayer un chemin au-delà de ses lèvres pour devenir des mots. Il prononça sa sentence.
« Le sang sera bu et la chair dévorée. L’immortalité sera ma récompense. »
Il se sentit soudain étouffé, écrasé par l’ampleur de ce qu’il venait de commettre. Son destin avait été décidé. Il finit par en concevoir un soulagement. Un sentiment d’abandon. Il ne s’appartenait plus. Il s’adossa au tronc, qui protesta d’un sinistre craquement d’os brisé, et se laissa glisser jusqu’à terre, répétant sans cesse les paroles qui avaient scellé son destin. Elles lui revenaient en écho, inlassablement. Pris d’un doute, il leva les yeux. Ça n’était pas un écho. Là, assis sur une branche à quelques mètres de hauteur, une silhouette cadavérique qui découpait sa forme noire à contrejour dans les rayons éblouissants. Et elle répétait, encore et encore. Intrigué, Khârne se tut. Les jambes de l’homme arrêtèrent soudain leur balancement. Son corps bascula vers l’avant, et il s’écrasa au sol dans un bruit effroyable, les os réduits en poudre. Khârne le découvrait enfin dans toute sa laideur. Le teint verdâtre, les yeux sans paupières éternellement éveillés. Il était vêtu de loques en toile grossière, trouée par endroit, révélant ses flancs squelettiques. Couché ventre à terre, ses coudes et ses genoux formaient des angles inquiétants. Sa mâchoire déboitée, brisée par la chute remuait toujours. Les dents se fêlaient en grattant sur la roche tandis qu’il psalmodiait inlassablement. Des esquilles d’os finirent par percer la peau racornie, et le sang vint aux lèvres de la chose. La prophétie ne fut alors plus qu’un immonde gargouillis ininterrompu. Mais elle n’en avait pas pour autant perdu son sens. Khârne, presque étonné de l’indifférence que lui inspirait la pathétique créature se contenta de la regarder mourir, le regard vide et inexpressif. Mais elle ne mourut pas, et Khârne sombra dans le sommeil au son du gargouillement écœurant.

Il se réveilla en pleine nuit, de nouvelles torches allumées sur son chemin. Il exultait, d'une joie malsaine et primitive, de celle qui anime les gens du Nord. Une satisfaction glacée pour certains, une euphorie exaltée pour d'autres. Il était dévoré d'ambition. L'ambition de devenir quelque chose de plus qu’un simple sac de viande. Ses rêves avaient été ceux.de toutes les autres nuits. Mais l’effervescence indescriptible avait pris sens, et pouvait maintenant se condenser à ces treize mots : « Son sang sera bu et sa chair dévorée. L’immortalité sera ta récompense. » Voilà ce qui avait été murmuré à son oreille depuis tout ce temps, voilà ce qui l’avait hanté depuis… depuis que cette hache pendait à son flanc. Il était maintenant convaincu qu’elle en était l’origine. Les lèvres qui avaient murmuré, l’enivrant poison qui s’était mêlé à son sang, la lanterne qui avait guidé ses pas… C’était elle. Il bénit le jour où les Dieux lui avaient accordé ce présent.
La nuit était noire, sans nuages ni étoiles, et Morrslieb le regardait. Il sauta sur ses jambes. La chose remuait toujours, effritant les quelques dents qui lui restaient contre la roche. Sa mâchoire ne tenait plus que par une dernière articulation, horriblement décalée, et le sang séché avait formé une épaisse croûte. Mais elle n’abandonnait pas, et le râle desséché qu’était devenue la prophétie restait ininterrompu. Son faciès ridé était figé dans la plus pure expression de souffrance. Khârne lui accorda un regard, et son détachement disparu quand il vit que la chose cherchait le sien. Ils se fixèrent longuement. Il y avait de la haine dans les yeux morts. Et, plus surprenant, de la… jalousie. Un sombre pressentiment lui fit détourner le regard. Il reprit sa route.

Il marcha toute la nuit, guidé par le halo de la lune verte. A l’aube, la triste lumière du soleil blanc se déversa sur l’étendue de roche grise. Ce qu’elle révéla lui arracha presque un sursaut de stupeur. Devant lui, à quelques enjambées à peine, un sentier serpentait pour se perdre dans l’immensité stérile, comme tracé par les fers d’une charrue qui auraient gratté la roche pendant des siècles. La cassure qui en marquait le commencement était nettement dessinée. C’était comme si le tranchant d’une hache avait été violement abattu à cet endroit. Derrière, il n’y avait rien, devant, il y avait un chemin. Le seul et unique chemin. Il s’y engagea, fermement convaincu que de nouvelles torches se trouvaient sur cette route. Et qu’il suffisait de se baisser.


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:34

Ce ne fut au départ qu’une légère impression. Le chemin s’était élargi. Des brumes se levèrent, s’épaissirent. Elles étendirent leurs doigts et l’enserrèrent dans leur étreinte glacée. Comme l’humidité qui pénètre les fourrures, le froid qui pénètre les chairs, le sombre pressentiment pénétra son esprit, porté par les filaments vaporeux. Il sut qu’il n’était pas seul. Et puis il y eut un murmure, un marmonnement étouffé. D’étouffé il devint bourdonnant. Une lamentation monotone récitée par d’innombrables bouches. Et il les vit enfin. Eux. Ombres noires dans les brumes, puis silhouettes terrifiantes à la démarche de cadavre, ils avançaient. Des centaines et des centaines de choses livides, aux yeux sans paupières et aux traits tendus de souffrance. Ils fendaient les brumes, débitant inlassablement la prophétie. L’idée que le chemin avait été tracé par le grattement de ces milliers de talons lui vint soudain à l’esprit. Il eut aussitôt envie de partir. Il sentit la hache protester, mais il se retourna. Alors que sa main le brûlait et que ses jambes étaient prêtes à le sortir de cet endroit effrayant, ce qui s’offrit à ses yeux le statufia de terreur. Si prêt qu’il aurait pu la faire rouler de sa botte, il y avait une de ces choses. Les mâchoires éternellement remuantes, la peau blême, un masque de douleur sur les traits, elle plongeait ses yeux vitreux dans les siens. La haine et la jalousie y étaient vivaces, et s’enflammèrent encore lorsque le regard se posa sur la hache. La torche fut cette fois brûlante, et la réponse s’inscrivit en lettres de feu dans son esprit. Voilà ce qu’était devenu le guerrier rouge qu’il avait jadis vaincu. Cela lui semblait tellement lointain…

Comme une lame empoisonnée, une question horrible lui perça le ventre, déchirant ses entrailles et répandant son venin glacé. Et si… et si c’était là l’immortalité promise ? Il recula, la sueur perlant au front, et jura presque avoir vu la chose essayer de tendre le bras en sa direction. Ce n’est qu’à ce moment qu’il vit le corbeau. Les serres profondément plantées dans la chair du cadavre vivant, l’oiseau… mangeait sa proie. Il leva la tête, le bec refermé sur un viscère sanglant. Dans les yeux de l’animal, dans les deux gouffres de ténèbres, brillait une lueur verte. Derrière le macabre festin, la même scène se déroulait à perte de vue. Des centaines de corps étaient étendus sur la roche, et sur chacun d’eux était perché un corbeau. La tête levée, les sinistres créatures regardaient toutes dans la même direction. A perte de vue, aussi loin que les brumes le permettaient, c’était un milliers d’yeux noirs fixés sur lui. Et au fond de chacun d’eux brillait un fragment de Morrslieb.

Il faisait nuit, les brumes étaient sombres, et la lune ne jetait plus son halo verdâtre sur ses épaule depuis sa voûte de ténèbres. Elle était derrière lui, descendue de son royaume. Il courait, fendait la marée de corps ambulants. Il sentit des doigts l’effleurer, essayer de le retenir. Seuls quelques uns ne tournaient plus le regard à son passage effréné. Ceux-là avaient sans doute finit par oublier. Leur peau était plus grise, plus ridée et plus flasque, leur flancs plus creusés et leur démarche plus pénible encore que ceux dont les yeux jaloux se posaient sur sa silhouette massive. Mais lui n’oubliait pas. La rumeur plaintive n’était qu’un écho à la voix mugissante qui résonnait dans son crâne. « Son sang sera bu et sa chair dévorée. L’immortalité sera ta récompense. » Vint alors la dernière question, la dernière énigme. Les braises de l’ultime torche rougeoyaient, et il suffisait de souffler assez fort pour raviver la flamme.

Qui ? Quel sang, quelle chair ? Au nom des Dieux Noirs, qui ? Il était sorti des brumes, haletant et épuisé. Il lui sembla un moment être sorti de cet enfer, mais le chemin était toujours là, s’étendant aussi loin que portait son regard. Il balaya l’horizon, et s’arrêta sur un nouveau festin. Décidemment, ces choses étaient partout. Et les corbeaux avaient l’air de les apprécier… Le dos appuyé contre un rocher, le cadavre suivait des yeux le tracé sanglant que l’oiseau ouvrait dans ses chairs. Cela ressemblait étrangement à des lettres… Ainsi, le bec était la plume, le sang était l’encre et la peau était le papier. Il fut tiré de ses réflexions par une forme qui passa devant lui. Celui-là marchait, le pas traînant, un corbeau perché au haut du crâne. Une substance noire et filandreuse giclait à chaque coup que l’animal assénait de son bec. Mais ce corbeau aussi semblait avoir quelque chose à dire… Quelque chose à tracer. Et l’inscription sanglante ressemblait affreusement à la précédente. D’autres encore passèrent, chacun avec son corbeau scribe. Et chacun portant l’inscription gravée en divers endroits. Il y en avait des dizaines, claudicant en tout sens, certains tournant sur eux-mêmes. Khârne s’approcha de l’un d’eux, le bras tendu, la main fermement serrée sur la poignée de son arme. Le corbeau arrêta sa sinistre entreprise et le dévisagea de son regard vert, mais il ne lui prêta aucun attention, palpant fébrilement la peau du parchemin malgré lui. Le visage atrocement mutilé, les lèvres inlassablement remuantes, il ne sembla même pas prendre conscience de la présence du maraudeur. Si ce n’était l’infime étincelle qui éclata derrière ses pupilles dilatées. La dernière torche explosa, révélant enfin l’ultime réponse.

Leiden. Un simple nom qui allait bouleverser son existence. Le sang de Leiden, la chair de Leiden. Et l’immortalité serait sa récompense. Son regard était perdu bien au-delà de l’horizon lointain. Pris d’un spasme, il manqua de trancher le cou de celui qui l’avait interrompu.
« - Il faut se… Il… Il faut…
Secouant la pauvre créature avec violence et s’attirant des croassements de protestation de la part du corbeau, dont les serres durent resserrer encore leur étreinte impitoyable, Khârne hurla :
- Parle !
- Se… se lier. Il faut se lier…
- Se lier ? Comment ? Dis-moi !
- Un sa… Sacrifice… »
Le dernier mot souffla comme un râle poussiéreux et les vents glacés l’emportèrent. La créature était morte, le corbeau s’était envolé. Et dans les yeux desséchés luisait un éclat vert. Au dessus de lui, le ciel était noir, du noir le plus profond, sans nuages ni étoiles.


Dernière édition par Backe le 10/12/2008, 21:22, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:38

IV
Mon père

Pardonne-moi…




Il avait encore le choix. Il pouvait tout arrêter maintenant. Mais il n’en avait pas l’intention. L’immortalité valait bien quelques sacrifices… Un unique sacrifice. Il était enfin revenu de son exil, guidé par Morrslieb. Le village était là. Rien ne semblait avoir changé. La muraille de bois bardée de symboles chaotiques l’entourait toujours. Il passa sous l’arche de la grande porte. Personne n’était là pour l’accueillir. Personne n’était là, tout simplement. Le village semblait mort. Il était arrivé devant la salle du trône. Dans son arrogance, son père lui avait laissé la voie libre. Ou peut-être était-ce de la confiance… Khârne sourit à cette idée et franchit la porte.

Son père était toujours là, assis sur ce qu’il appelait son trône, qui n’était qu’une chaise en bois épais grossièrement décoré. Et pourtant, là où autrefois se tenait un roi, un guerrier, la silhouette sombre était étrangement affaissée. Quand il arriva à sa hauteur et leva les yeux vers son père, il recula de stupeur. Les ravages du temps s’étaient abattus sur le visage autrefois fier et glorieux, maintenant dévasté. Sa peau était fripée comme du vieux cuir et une immense lassitude transparaissait derrière ses yeux jaunis. Même le bandeau de bronze qui retenait ses cheveux épars et blancs était entièrement corrodé et tombait en poussière. Malgré tout, il avait toujours ses habits de guerre et était armé. L’ignoble sorcellerie qui l’avait ainsi changé en vieillard à demi-mort, lui, menant les hommes à la victoire il y a encore quelques semaines était terrifiante.
La voix de son père souffla comme le dernier râle d’un mourant, et Khârne frissonna dans la chaleur des flammes.
- Mon fils, tu es déjà rentré. Pourquoi ne pas m’avoir prévenu ?
Les flammes vacillèrent et la température s’abaissa brutalement tandis qu’un vent glacé soufflait dans la pièce, et Khârne sut que ce devait être fait. Les paroles du vieillard lui parurent déjà terriblement lointaines
- Que fais-tu ?
Khârne dégaina sa hache, et le voile de la mort passa dans les yeux terrifiés de son père quand ils se posèrent sur l’arme. Dehors, au-delà du trou ouvert dans le plafond en guise de cheminée, la nuit était noire, sans nuages ni étoiles. Le tranchant vint se poser sur la gorge du mourant qui tomba à genoux. Le reflet de Morrslieb se figea sur la lame et, dans sa lumière sombre et verte, le visage du père fut un instant un crâne sec aux orbites vides. Un mot plus vieux que le temps résonna dans la salle obscure.
« Tue. »

Il n’y avait plus de choix possible. Son destin était scellé à jamais.
- Nooon… Mon fils, tu as encore le choix…
Il n’y avait pas d’espoir dans la voix de son père. Seulement de la compassion, et une infinie tristesse. Les larmes coulèrent, ses muscles devinrent flasques, et il se sentit tomber. Mais, d’une voix entrecoupées de sanglots et pourtant glacée, il hurla :
-Du sang pour le Dieu du Sang ! Du sang pour Khorne !
Malgré lui, la hache noire se dressa dans les airs, et son père fut mort avant qu’elle ne lui tranche le cou, et que le sang bouillonnant abreuve la lame avec un bruit de succion horrible.
Le dernier regard de son aïeul resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Il n’y avait que de la pitié dans ces yeux morts, pas de haine, pas de mépris. Rien que de la pitié et de la compassion. Et Khârne en était bouleversé.
Alors quelqu’un, ou quelque chose éclata de rire. Un rire dément et sans joie, assourdissant, sans pour autant qu’il put l’entendre. Un frisson glacé lui parcourut l’échine, tandis que son père roulait à ses pieds. Il s'arrêta contre sa botte et plongea son regard dans le sien. Une lueur verte y brillait.
Les larmes se changèrent en ruisseaux au contact du sang, et son armure fut striée de fines traînées rouges. Il détourna le regard pour quitter cette salle une dernière fois. Les larmes coulaient toujours, mais il ne savait pas si c’était des larmes de joie ou de tristesse…


Dernière édition par Backe le 26/11/2008, 20:28, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:39

V
Rêves brisés

Je me vengerai…



Le soleil se couchait sur un carnage, comme tant de fois en ces temps troublés. La Mer des Griffes avait une fois de plus déversé son flot de violence et de massacres ; un village côtier avait eu le malheur de se trouver sur sa route.
La vague rouge avait déferlée sur les infortunés pêcheurs. Quelques miliciens terrorisés et des villageois armés de fourche furent la seule résistance qu'elle rencontra. Un fétu de paille face à la fureur du Nord.

Le village brûlait. Une fumée brune cachait les premières étoiles. Quelques combats désespérés se prolongeaient au milieu des flammes. Les cadavres éventrés des derniers courageux venaient rejoindre ceux des couards, où leur ultime bravoure tomberait dans l'oubli, foulée aux pieds de la horde

Les maraudeurs pillaient les décombres, en quête de quelques nourritures ou richesses qui auraient survécu à cette destruction aveugle. Mais Khârne n’était pas là pour ça. Ici s’achevait son existence. Ici allait avoir lieu son apothéose. Ici, il serait un dieu.
Frénétique, il approcha d'une maison, fendant en deux le torse d'un maraudeur qui avait eu la malchance de se trouver sur son chemin. Il connaissait cet homme. Ils avaient combattu côte à côte. Tant pis. Il exultait.
Il fit voler en éclats la porte, en réalité simple planche de bois. Un homme armé d'une épée l'attendait. Encore un de ces gêneurs qui espéraient sauver leurs familles...
Non… C’était lui. Il le savait. Elle le savait. Jamais il ne l’avait vue dans cet état. Une euphorie démoniaque et vorace s’était emparée de la hache. Elle bouillonnait, féroce et fiévreuse. Elle l’emporta dans son effervescence, et tous deux se mirent à trembler. Ils avaient faim.
Faim de gloire, de sang, et d’immortalité.
« Son sang sera bu et sa chair dévorée. L’immortalité sera ta récompense » .

Le paysan chargea. Il n'avait pas la moindre chance. Khârne se jeta sur lui, frappa, et la hache rencontra l’épée. Le choc fut extraordinaire. Le temps parut se geler, tandis qu’un astre aveuglant naissait dans la pièce. Le démon en fut blessé, son adversaire aussi. Le choc lui avait brisé les poignets, et la lame tomba à ses pieds, scintillante.
Sans défense, il fut d’une facilité indécente pour Khârne de le tuer. Le sang éclaboussa sa lourde armure. « Son sang sera bu… » Il s’approcha de ce qui devait être la femme du cadavre, recroquevillée dans un coin. Elle le supplia. Pathétique. La hache se dressa dans les airs et s’abattit lourdement. Il entendit des pleurs. Sous les jupes ensanglantées de la femme, il y avait un enfant. Un nourrisson. Il l’écrasa de sa botte, et empoigna le petit corps désarticulé. « Et sa chair dévorée… »
Il sortit de la maison. Le cadre de bois était son arc de triomphe. Jubilant, savourant sa gloire et au bord du délire, il hurla.
« L’immortalité sera ta récompense. »

Tout était prêt. Enfin, après tant d’années, tout était prêt. Cela avait presque été facile. Peut-être trop facile, se dirait-il plus tard avec mille regrets. Car le rituel devait échouer.
Sous les acclamations féroces et les chants guerriers, le sang avait été bu, et la chair dévorée. Le sang et la chair des Leiden. La mâchoire ruisselante de sang chaud et écumant, il écarta les bras et renversa la tête, le corps traversé de frémissements d’extase. Il attendit sa récompense.
Il attendit des heures durant, immobile. Et il comprit enfin. Son père avait dit la vérité. La hache lui avait menti. L’extase laissa place à un vide abyssal qui jamais ne serait rempli. Alors la bête ouvrit un œil et commença à s’animer. La sueur ruisselait sur ses traits si tendus qu’ils menaçaient de se rompre. Le regard égaré, il entrouvrit la mâchoire et prononça ces seules paroles.
- Pourquoi ?
La hache s’était tue. Il aurait voulu la détruire, la broyer, en déchirer le métal de ses mains et la réduire en poussière. Il aurait voulu qu’elle meure, qu’elle paye pour avoir brisé tous ses rêves. Il aurait voulu qu’elle paye pour ce qu’elle avait fait de lui. Mais la volonté lui manquât, et il ne la jeta pas, incapable de seulement desserrer sa prise. Alors la bête s’éveilla.
Et sans savoir ce qu’il faisait, rendu fou par l’impuissance, il tua ses hommes jusqu’au dernier. Quand tous furent morts, il s’effondra, seul, la hache à la main au milieu des amoncellements de corps déchirés. Le sang qui recouvrait son armure reflétait une pâleur verdâtre. Suspendue à la voûte noire, dans le ciel sans nuages ni étoiles, Morrslieb le regardait.


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:39

VI
Le dernier des Leiden

L’épée pour seul bagage




Il y avait eu des flammes. Il y avait eu du sang. Et il y avait eu la mort. Les flammes, le sang et la mort. Son père était mort, et il avait pleuré.

Quand les premiers drakkars avaient été signalés à l’horizon, aux dernières heures du jour, il marchait seul, au hasard. Il avait toujours aimé ça.
Rôder entre les maisons, ombre noire au crépuscule ou spectre funeste à la nuit tombée. Errer dans les environs d’Heiligdorf, seul dans les collines, sous le clair de lune. A l’aube, la neige effaçait ses traces, et il était perdu. Alors, l’air vif de l’océan et le grondement des eaux contre la falaise le guidait jusqu’au rivage. Et là, assis au creux des dunes, il regardait la mer scintiller. Il lui arrivait même d’aller jusqu’à la Salz, qui coulait loin à l’Ouest. Ce qui rendait son père hilare, et sa mère folle d’angoisse. Il n’aimait pas sa mère. Laide, insignifiante et pauvre, il la fuyait autant que possible, elle et sa maison sordide. Il ne retrouvait le sol graisseux, les poutres noires de crasse et la table poisseuse que pour avaler en vitesse les maigres repas qu’elle lui préparait.
Son vieux père s’asseyait à ses côtés, et lui racontait l’histoire de ses ancêtres, l’histoire des Leiden, un triste sourire aux lèvres, l’épée blanche au poing. Elle scintillait, comme nostalgique à l’évocation de son glorieux passé. Le reflet de sa clarté semblait une lueur de mélancolie dans le regard du père. L’enfant buvait son récit, fasciné. Et puis il sortait, sous le soleil ou les étoiles, l’épopée de ses pères défilant dans son esprit. Il était seul.
Il n’avait jamais eu d’amis. Les autres enfants l’évitaient.
Et puis des gens avaient crié. Branle-bas de combat. C’était inutile, son père les sauverait tous, il le savait.
La panique gagnait son village. Des villageois armés de fourches passaient en le bousculant. Il pouvait lire la terreur sur leurs traits, et eu envie de les rassurer.
Il rentra finalement chez lui, en sécurité. Et pour la première fois de sa courte vie, il eut réellement peur. La terreur avait fait pâlir son père. Il tremblait et ne parlât pas quand il le mit à l’abri, dans un trou creusé à même le sol, fermé par une trappe.
Et l’enfant attendit.
Tout son corps était secoué de violents tremblements. Au dessus de lui, son frère pleurait. Lui ne comprenait pas. Il aurait aimé ne pas comprendre, lui non plus. Et soudain, la porte vola en éclats. Et il le vit. L'horreur faite chair.
Une lumière aveuglante, et son père s’écroula juste au dessus de sa trappe, plongeant son abri dans l’obscurité. De lourdes bottes écrasèrent le cadavre, et sa mère hurla. Il aurait voulu hurler lui aussi, mais il en était incapable.
Sa mère mourut. Dans le peu de champ de vision que lui accordait la dernière fente, il vit la chose en traîner derrière elle une moitié. Il vit son frère dans le poing du démon. Et il vit son père, qui le regardait. Accroché à la ceinture du guerrier. Une épaule, une tête et un morceau de torse.
Il cessa de trembler. Le sang de son père lui gouttait sur le front. Le sang se mêla aux larmes et ruissela sur son visage. Il ne se souvint pas combien de temps il resta là. Au dessus de lui, la maison s’écroulait, dévorée par les flammes. Le silence se fit, et les ténèbres l’enveloppèrent.

Une lueur blanche qui s’intensifiait. L’enfant ouvrit les yeux. Il se souvenait de tout. Les flammes, les hurlements, la mort. L’épée de son père qui tombait. Il ne sut jamais comment elle s’était retrouvée dans sa main. Etincelante comme une étoile, elle baignait le trou d’une clarté blanche. Elle réchauffait ses membres blêmes et transis de froid, et lui donna la force de trembler à nouveau. Le hurlement qu’il retenait malgré lui le libéra enfin. Déchirant, inhumain, il s’extirpa des décombres pour atteindre le ciel et se prolongea au-delà encore.
L’enfant était libre. Il se tenait sur les ruines fumantes de sa maison, couvert de cendres et de sang. Le sang de son père maculait son visage, et l’épée irradiait dans son poing. L’air vif de l’océan fouettait sa peau noire de suie et soufflait les colonnes de fumée. Le soleil était bas dans le ciel et teintait les nuages de rouge.
Il regarda autour de lui. De la cendre, partout. C’était tout ce qu’il restait de son village. Et des cadavres, disposés en cercle. Un cercle gigantesque, d’un diamètre de près de cent pieds. D’étranges symboles avaient été gravés dans la terre noircie par le sang. Les restes de quelque rituel impie. Loin à l’est, où la nuit naissante plongeait le monde dans les ténèbres, le ciel était noir, sans nuages ni étoiles. Froide et fantomatique, Morrslieb le regardait.
Il plongea son regard dans la lueur infiniment malveillante, et une haine enflammée embrasa son cœur.
Il détourna les yeux et fit la dernière chose qu’il pouvait faire. Partir.
Partir, n’importe où, l’épée pour seul bagage. Il avait neuf ans.

Une route qui serpentait le long de la forêt. Un voyageur solitaire sur un destrier magnifique. Ses broderies d’argent scintillaient au soleil, et le vent gonflait ses riches étoffes, le faisant paraître plus imposant encore. On lui avait pourtant déconseillé de voyager seul. Que, soi-disant, les routes de l’Empire n’étaient pas sûres. Qu’une escorte de mercenaires aurait été pertinente pour quelqu’un de son envergure. Mais Rüffel Gentz n’en avait que faire. Arrogant, suffisant, sûr de lui à l’extrême, il n’avait pas de temps à perdre ni d’argent à dépenser dans de tels broutilles. C’était un marchand aussi riche que gras, qui ne permettait à personne de douter de ses capacités martiales. Il revenait de Nordland et Middenheim était encore loin, quand, pour une raison qu’il préfèrerait taire, il dût arrêter son cheval.

Une lueur blanche qui vacillait entre les arbres. L’enfant se désolidarisa de la pénombre où il se mêlait. Le sang de son père maculait son visage, et l’épée irradiait dans son poing. Ses pieds étaient meurtris par les lieues, dont il avait perdu le compte. Une flamme de folie dansait dans son regard. Il avait faim. Il s’approcha du cheval qui broutait. Il n’avait jamais eu aussi faim.
La lame blanche se dressa.

Le corps de l’étalon était encore secoué de spasmes, et le sang se déversait à gros bouillon de son cou tranché quand Rüffel revint, sa petite affaire conclue. Ses yeux s’écarquillèrent de stupeur et son visage bouffi se teinta de pourpre, lui donnant l’air encore plus bouffi. Il empoigna son pommeau d’argent d’une main tremblante de fureur, cherchant le responsable du crime odieux. Il ne devait pas être loin…

La lame tranchait dans les chairs. Les mains noyées dans le sang, l’enfant découpait la cuisse du cheval. Il eut bientôt en main un lourd morceau de viande sanguinolente, qu’il dressa fièrement au soleil avant de le mordre à pleines dents.

Il en eut le souffle coupé. Il avait trouvé le criminel. C’était un enfant. Et il mangeait son cheval. Le flanc gauche de son étalon n’était plus qu’un amas difforme de chairs mutilées. Il inspira profondément et se jeta en avant, épée hors du fourreau, hurlant sa colère. Mais, le temps qu’il déplace son imposante carcasse, l’enfant avait eu tout le loisir de disparaître. Une traînée de sang et de la poussière, voilà tout ce qu’il en restait.
Rüffel avait pâli. Il ne lui restait plus qu’une chose à faire. Appeler à l’aide.

L’enfant courait. Il courait comme jamais il n’avait couru. Le sang de son père maculait son visage, et l’épée irradiait dans son poing.


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:41

VII
Backe

Je me vengerai…




Quinze ans plus tard, il courait toujours. Il fuyait, encore et éternellement. Le sang de son père ne maculait plus son visage, mais il n’avait pas oublié. L’épée n’irradiait plus dans son poing ; ce n’était pas le moment.
Il s’appelait Backe, et il était le dernier des Leiden. Insouciant et dérangé, il était devenu Répurgateur au hasard d’une ballade sans but. Au bord du sentier, un cadavre qui pourrissait au soleil, dont l’uniforme et les mousquets se trouvaient désormais sur ses épaules. Et maintenant, il portait la parole de Sigmar. Une façon comme une autre d’assouvir sa vengeance.
Ce qui n’avait été qu’une pulsion était devenu une nécessité vitale, un besoin, une fin inéluctable et absolue gravée à jamais dans son être par le burin implacable de quelque dieu vengeur. Car voilà qui était Sigmar à ses yeux. Sigmar était sa vengeance, sa Némésis, celui qui avait tracé son nom sur la roche de son âme. Le parangon de son destin. Et, par la pointe de son épée, ce nom était maintenant écrit dans la chair de ses avant-bras en lettres capitales. Les plaies ne s’étaient jamais complètement refermées et la douleur ne le lui laissait pas de répit. Il ne pouvait en être autrement. C’était ainsi qu’il n’avait pas oublié, et c’est ainsi qu’il poursuivait son chemin, en équilibre chaque jour plus menacé sur le fil ténu au delà duquel s’ouvrait un abîme de ténèbres et de folies.

Mais, comme il devait en faire la douloureuse découverte, on ne devenait pas Répurgateur aussi facilement. Sa promenade l’avait rendue clandestin. Il était devenu un paria. Recherché, traqué par ces fanatiques qui n’avaient rien de mieux à faire. Et justement, il en avait un sur le dos.

Il s’était réveillé vers midi, le nez dans l'herbe sur un flanc de colline, sans aucune idée de la façon dont il s'était retrouvé là. Peut-être était-il né ici. Et pourquoi pas, après tout.
Et comme il convient à celui qui vient de naître, il avait eu faim et soif. Et puis il y avait eu cette taverne. Le plus grand bâtiment d'une petite bourgade qui résonnait des rires gras et des chansons obscènes. Il était entré sans un attirer un regard, si bien que le tavernier avait presque sursauté en le découvrant devant lui. Il faut aussi dire ce qu’il en était, Backe n’était pas vraiment présentable. Il avait vidé sa bourse sur le comptoir et demandé qu'on le serve pendant que les trois sous de cuivre finissaient de tournoyer sur le bois sali. Le tavernier, d’abord incrédule avait secoué la tête, puis refusé avec plus d’aplomb, furieux qu’on puisse se moquer de lui. Backe s’était vu prié de quitter les lieux sur le champ. Il avait renouvelé sa demande avec plus d'insistance.
Et tout s’était emballé. Un gros paysan, plus petit que lui et au bord de l'inconscience avait lancé une remarque, faisant mention de sa mère. Backe ne lui avait prêté aucune attention. Et puis ce fut au tour de son père d’être cité.
Il s’était retourné lentement et lui avait collé le canon d’un mousquet sur le front. Le pauvre homme n’avait même pas eut le temps de revoir son propos. Sa cervelle était partie en fumée, et il s’effondrait. Toutes les pintes tombèrent au sol.
Il avait tué cet homme, comme ça, sans réfléchir. C’était parti tout seul. Et maintenant, c’était à son tour de sentir le contact froid de l'acier sur sa tempe. Un Répurgateur, à en juger par l’uniforme et le regard mauvais qu’il fixait sur lui. Il avait l’impression de l’avoir déjà croisé quelque part… En tout cas, son collègue, lui, avait l’air de le connaître. Il ricanait, l’air très satisfait de ce qu’il était en train de faire.
- Comme on se retrouve…
- N’est-ce pas ? Enchanté. Backe.
- Au nom de l’Empereur, je vous arrête pour meurtres, vols et exercice illicite…
Il ne termina pas sa phrase. Le coup de talon fulgurant qu’il reçu dans l’estomac le plia de douleur, et il s’écroula au sol.

Backe était déjà dehors. Il courait, galopait comme un dément, bondissait entre les troncs resserrés qui défilaient à une vitesse folle. Cent fois il manqua de s’aplatir contre un monstre végétal, et cent fois sa cheville manquât de se briser dans un accident du terrain. Le diable était à ses trousses, mais il le distançait. Une joie sauvage brûlait en lui, un sentiment passionné, volcanique et enivrant.
La liberté. La flamboyante liberté. Il était libre, et le diable était loin. Mais il ne s’arrêta pas.
Ou plutôt, pas de la façon dont il l’aurait souhaité. Une colonne sombre et noueuse se dressa subitement devant lui. Il n’eût pas le temps de réprimer une grimace de déception que le géant fripé était sur lui. La violence du choc fut phénoménale. L’arbre frémit, des feuilles tombèrent. Les cris des oiseaux qui s’envolaient lui parurent lointains et étouffés tandis que le tapis moelleux de la forêt le réceptionnait, chaleureux et accueillant. Les rayons filtrant du soleil lui semblèrent palpables, et le visage souriant de son père lui apparut soudain. Il voulut se lever, et la douleur s’éveilla. Les ombres voilèrent sa vision, il se sentit le sol se dérober sous son corps meurtri. La terreur crispa le visage de son père, et, aussi soudainement et aussi nettement que le tranchant effilé d’une hache, il fut mort. Une épaule, une tête et un morceau de torse. Le silence se fit, et les ténèbres l’enveloppèrent,

Il n’en finissait pas de tomber. De plus en plus bas, de plus en plus vite, il sombrait. Il sombrait dans un gouffre insondable de ténèbres épaisses, lourdes et huileuses. Il s’enfonçait dans cette tiédeur sans fin et irréelle, en aveugle perdu, à la fois conscient et inconscient, mais incapable de la moindre pensée. Quand soudain, à la limite de sa perception, terriblement distant et inexplicablement réel, il crût distinguer un éclat de lumière. Il remua, voulut se rapprocher de ce fragment de réalité. Et tout devint gris.
Un gris dur, froid, sépulcral l’entourait. Tout était maintenant clair et limpide, et il sentit qu’il était debout. Il fut étonné de s’en rendre compte, et le fut encore plus lorsqu’il se demanda ce qu’il faisait ici.
- Je n’en sais rien, parvint-il à répondre d’une voix claire et innocente. Les mots le dépassèrent en flottant. Pourquoi ne savait-il pas ? La même réponse lui vint immédiatement à l’esprit, et sa voix fut plus claire et plus haute. Plus réelle. Il était donc réel, dans un lieu irréel. Comment était-ce possible ? Comment pouvait-on exister dans un endroit qui n’existait pas ? Et toujours la même réponse, toujours plus claire et plus haute, toujours plus réelle.
-Je n’en sais rien.
Il ne sombrait plus. Il se sentit même s’élever très légèrement. Et comme il s’élevait, il leva les yeux. La lueur isolée avait disparue. A sa place flottait une boule verdâtre, sinistre, redoutable. Elle le regardait, infiniment malveillante. Morrslieb.
Une haine enflammée embrasa son cœur, et il se sentit arraché, expulsé de son océan gris. Il s’élevait de plus en plus vite, de plus en plus haut, et la douleur s’enroulait autour de lui en filaments de chaleur. Le ciel n’était que ténèbres glacées, mais il tendit la main vers elles et accéléra encore. Il ne s’élevait plus, il courait. Les ténèbres se rapprochaient à une vitesse folle, et il courait vers elles, libre et léger comme le vent. Derrière, il le savait, il y avait la réalité. Et c’était là qu’était sa place…
Le corps inerte fut secoué d’un violent soubresaut, et Backe ouvrit les yeux. Il ne se souvenait de rien. La pierre sur laquelle reposait sa joue était froide et humide, et l’autre côté de son visage le faisait atrocement souffrir. Il se redressa lentement, parvint à s’asseoir et regarda où il avait atterrit. Une cellule. Pour une raison qui lui échappait, il était en prison. Lui, fol amoureux de la liberté, trouva difficile d’admettre la présence de barreaux sur son chemin. Il se leva et alla à leur rencontre, sans aucune idée de ce qui allait suivre. Il retira un gant et empoigna de sa main nue l’un des morceaux de fer. D’emblée, cette stupide ferraille lui parut antipathique, sans âme, vide. Inutile. Ces barreaux n’auraient jamais dû se trouver là. Il les détesta aussitôt, et mit toute sa force dans le poing fermé qu’il lança sur eux. La résonance métallique et vibrante emplit tout le cachot et couvrit son gémissement de douleur. Furieux, il voulut tirer son épée. Mais au lieu du contact tiède et réconfortant, il refit la connaissance d’une sensation depuis longtemps oubliée. La peur, la panique, où tout autre nom que pouvait lui donner ceux dont elle berçait l’existence. Backe ne savait plus ce que c’était. Et son épée n’était plus là. Il se sentit vulnérable et impuissant, avec son fourreau de cuir vide et ses poings blessés.
Il lança un regard chargé de mépris aux barreaux et fut surpris de constater qu’il n’était plus seul. Un petit homme l’observait, le visage collé contre la grille. Un maigre rayon de soleil, que laissait filtrer la minuscule fenêtre de sa cellule fit un instant scintiller un petit bout de métal accroché à son flanc. Un trousseau de clés.
Backe s’approcha, sans quitter sa chance d’évasion des yeux. Malgré son strabisme et son évidente simplicité d’esprit, la lueur d’intérêt dans le regard de son captif n’échappa pas au geôlier. Sa lèvre se tordit en un sourire perfide, et une joie cruelle pétilla dans l’œil qui lorgnait sa nouvelle distraction.
- Le lièvre prit comme un rat… Le lièvre ne doit pas abimer ses barreaux, fit la voix traînante et excitée.
- Où est-mon épée ?
Sa question était une menace, féroce et profonde, et le sourire du geôlier n’en fut que plus large, son œil plus pétillant et le trousseau de clés plus aguicheur. L’homme libre se rapprocha encore.
- Bientôt, le lièvre sera mort, et il n’aura plus besoin de son épée…
Le gardien était maintenant tout prêt, et Backe put pleinement apprécier le large éventail de parfums que sa bouche exhalait. Il était si proche…
- Tu vas mourir, sale petit raarrghh…

Son poing lui faisait mal, mais il serrait de toutes ses forces. Le geôlier gargouillait toujours, mais à mesure que la vie le quittait, il se débattait avec moins de vigueur. Quand il desserra enfin sa prise, longtemps après la dernière convulsion de celui qui allait lui rendre sa liberté, le corps inerte resta debout, la tête coincée entre les barreaux dans une position digne de l’homme qu’il avait été. Les mains tremblantes, Backe entreprit de récupérer le trousseau. Il le détacha fiévreusement du cadavre, manqua de briser plusieurs clés en les enfonçant précipitamment dans la serrure et donna finalement un grand coup de pied dans la porte qui s’ouvrit avec grand fracas. Son espace lui sembla s’agrandir, et une flamme retrouvée réchauffa ses membres. Il n’avait plus peur, mais il n’avait pas pour autant récupéré son épée.

Il s’engagea dans le couloir, passa devant les cellules vides comme le souffle d’air qui n’était sans doute jamais descendu jusque là. L’atmosphère lourde et humide sembla vouloir le ralentir, l’arrêter et le jeter de nouveau derrière les barreaux abjects. Mais il était libre, libre de ne pas s’abandonner à de tels caprices. Et surtout, son épée l’appelait. La porte qui le séparait d’elle n’était plus qu’à quelques enjambées quand quelqu’un l’appela. Il se retourna brusquement, irrité, pour voir un homme en guenilles tendre la main dans sa direction, son visage pâle aux yeux hagards appuyé contre les barreaux.de la dernière cellule.
- S’il vous plaît… Aidez-moi, je vous en supplie.
Le désespoir qu’il y avait dans cette voix parvint presque à refroidir son empressement, et il consentit à faire attendre son épée.
- Eh, oui bien sur… Que… que puis-je faire pour vous ?
- Sortez-moi de là, par pitié !
- Je ne crois pas, non.
Le désespoir fit place à l’effarement, et les yeux du prisonnier s’écarquillèrent jusqu’à menacer de sauter de leurs orbites. Il voulut parler, mais ne trouva pas les mots. Backe s’en chargea à sa place.
- Si vous êtes ici, c’est surement pour une bonne raison. Alors, pour le bien de l’Empire, vous allez rester là.
Une larme coula sur le visage devenu rouge, les articulations des poings qui serraient les barreaux devinrent plus blanches que ses yeux, et, en tremblant, l’homme hurla.
- VOUS N’EN SAVEZ RIEN ! Je vais mourir ici, j’ai une femme, trois enfants, et je… JE SUIS INNOCENT !
- Calmez vos ardeurs l’ami, je plaisantais. Et après tout, qui suis-je pour en juger ?
La porte s’ouvrit en grinçant, et l’homme resta immobile, sidéré.
- Bon… J’y vais.

Backe franchit les derniers mètres en un instant, l’ex-condamné sur les talons. Après avoir essayé toutes les clés au moins deux fois, la porte s’ouvrit enfin, et ils pénétrèrent dans une petite pièce faiblement éclairée. Une autre porte en tous points similaire à celle qu’ils venaient de franchir se dressait en face d’eux. Entre eux et la porte, une table et une chaise en bois, qui constituaient à eux-seuls l’ensemble du mobilier. Et sur la table, étincelante comme une étoile, son épée l’attendait.
Sous le regard fasciné de l’innocent, il fit courir ses doigts sur le fil de la lame. Elle le reconnut, frémit. Il frémit avec elle, et referma sa main sur la poignée. Une vive lumière brilla un instant à l’intérieur de l’antique acier et une chaleur ardente remonta le long de son bras, réveillant la plaie. Sigmar saigna de nouveau, et il en fut heureux. La part de lui-même qui lui avait été volée lui fut rendue. Il était redevenu Backe Leiden. Il était à nouveau celui qu’il avait toujours été. Il inspira profondément, pour arriver à cette conclusion : il n’était pas encore libre. Il réfléchissait à la meilleure façon d’ouvrir cette porte, qui, il en était convaincu, s’ouvrait sur la liberté, quand quelqu’un frappa. Son compagnon pâlit, il se figea. On frappa de nouveau, avec plus d’insistance.
L’innocent tremblait maintenant comme si la terre s’ouvrait à ses pieds. Backe glissa vers la porte, qui vibra une nouvelle fois sous les coups répétés. Derrière, quelqu’un parla.
- Geôlier ! Je vous ordonne de m’ouvrir immédiat…
Ce qu’il se passa ensuite ne dura pas une seconde. Il connaissait cette voix… Mais avant même qu’il en ait seulement pris conscience, avant même qu’il ait seulement pu concevoir un dépit et que ce dépit se transforme en rancœur, il avait bondi, les deux jambes en avant. Il donna un grand coup de pied dans la porte qui s’ouvrit avec grand fracas. Et le craquement d’os qui se brisent. Et le bruit sourd d’un corps qui s’effondre.
Le libre et l’innocent enjambèrent l’officiel inconscient sans un regard pour son corps flasque.


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 19:41

VIII
Voyageur

Où l'arrivée n'est que le commencement.



Les portes d'une ancienne forteresse perdue dans les Montagne du Bord du Monde s'ouvrirent dans un grincement de métal torturé, brisant le calme environnant. Un long chemin pavé et rectiligne partait pour se perdre dans la sombre forêt de conifères qui bordait l'ilot rocheux. Une silhouette trapue se dressait fièrement au milieu de la voie, appréciant le chuintement du vent dans les hauts sommets effilés et l'odeur persistante de la sève de pin qui imprégnait l'air frais de cette belle matinée de printemps. Avec un grognement, le Nain se mit en route, ses lourdes bottes ferrées martelant la pierre nue en un bruit mat. Un lourd bâton était appuyé sur son épaule droite tandis qu'un épais baluchon pendait sur celle de gauche. Il marcha ainsi pendant plusieurs heures, son bâton oscillant de gauche à droite à chacun de ses pas sans que cela ne sembla le gêner. Midi était révolu depuis longtemps lorsque qu'il décida de faire une halte afin de se remplir le ventre d'un frugal repas composé de lanières de viandes séchées. Un bruissement dans les fourrés derrière lui le fit se retourner brusquement pour voir pointer le fin museau d'un renard roux. De grands yeux cerclés d'un noir de jais fixèrent le Nain puis lorgnèrent vers les tranches de bœufs salées.
"Du balais, petit chapardeur ! grogna-t-il."
Voyant que l'animal n'avait pas l'intention de partir, le Nain sourit puis sortit son couteau pour trancher un petit bout de viande qu'il jeta aux pattes du renard.
"Voilà pour toi et que je ne t'y reprenne plus, dit-il en se levant et en rangeant sa nourriture dans son baluchon avant de tirer une longue rasade d'une outre qui pendait à sa ceinture."
L'alcool fort lui réchauffa la gorge et revigora ses membres engourdis. Il se remit en route d'un pas assuré et sentant une présence dans son dos, se retourna pour voir la boule de poils roux trotter sur ses pas, le museau en l'air. Le Nain dévoila ses dents en un rictus amusé et reprit sa marche.
Les journées suivantes se déroulèrent sans événements notables, le renard suivant le Nain à quelques pas de distance et se régalant de son bout de viande l'heure des repas venue. Les nuits se firent de moins en moins fraîches à mesure que le voyageur s'approchait des terres impériales et on voyait apparaître les premières traces de civilisation au milieu des conifères épineux. Le quatrième jour touchait à sa fin lorsque le Nain trouva sur sa route une étrange bâtisse d'où sortaient rires et chants paillards. Les nombreuses traces de bottes qu'il voyait à l'entrée prouvaient que l'endroit était réputé et fréquenté.
Il entra dans le tripot, le renard aux trousses, et le silence se fit. Quelques murmures accompagnèrent son avancée vers le comptoir où le tavernier remplissait une chope d'une bière de piètre qualité d'après les relents nauséabonds que sentit le Nain.
- Y'a-t'y une chambre à louer dans ce taudis ? demanda-t-il en lançant plusieurs pièces parfaitement rondes sous le nez rougi du propriétaire des lieux.
- Cer... Certainement, bafouilla ce-dernier dont les yeux lorgnaient déjà la monnaie naine, montez au premier, y'en a une inoccupée sur votre droite. Mais les animaux ne sont pas acceptés dans mon établissement lança-t-il en pointant du doigt le renard.
- Vous ferez une exception pour celui-là alors, grogna le Nain en glissant une nouvelle pièce dans la main tendue du tavernier."
Repérant les escaliers en colimaçon plongeant dans les ténèbres du premier étage, le Nain traversa la salle à grandes enjambées sous les yeux ébahis des paysans et autres trappeurs présents en ces lieux. Il était presque arrivé à la première marche lorsque l'on l'interpella et qu'une grosse patte calleuse se posa sur son épaule :
- Et l'Nain, t'as pas d'autres de tes pièces brillantes ?! souffla un homme vraisemblablement rond comme une queue de pelle. Tu s'rais bien gentil de les partager avec le bon Heinrich... Pas vrai ?
Le Nain se dégagea de l'étreinte de l'ivrogne d'une bourrade et répondit dans un reikspiel à l'accent prononcé :
- En effet, il m'en reste quelques unes... Mais pas pour vous, Heinrich.
- 'Va pourtant falloir que tu t'en sépare l'nain... Sinon... eh bah j'risquerai d'être contraint d'te les prendre de force si tu vois c'que j'veux dire, mon pote.
- Serait-ce une menace, mon "pote" ? demanda le Nain dont l'expression railleuse était masquée par sa barbe broussailleuse.
- T'as tout compris l'nain ! s'esclaffa Heinrich. Allez, maint'nant envoies la monnaie.
- Puisque t'insiste... grogna le Nain avant de balancer son massif poing dans les parties génitales de l'ivrogne. L'homme s'écroula, plié en deux par la douleur. Un flot malsain sortit de sa gorge à mesure qu'il régurgitait toute la liqueur qu'il avait avalée au cours de la soirée.
- Pas d'autres amateurs de pièces brillantes ? lança le Nain en toisant la foule de paysans depuis la troisième marche de l'escalier. Puis, se tournant vers le tavernier :
Je vous laisse nettoyer, et n'oubliez pas ce déchet, dit-il en regardant le pauvre Heinrich aux testicules broyées.
- Qui êtes-vous ? lança une voix dans l'assistance.
- Je me nomme Runir, Runir Bras-Puissant. Que personne ne me dérange, répondit le Nain en disparaissant dans les ténèbres du premier étage, un petit renard roux sur ses talons.

Les lattes du lit craquèrent lorsque que le Nain s'étala de tout son poids sur la paillasse pouilleuse. Le renard sauta sur le matelas aux ressorts détendus pour aller se blottir entre les genoux musclés de son nouveau compagnon de voyage. Ne cherchant pas à se débarrasser de ce fardeau poilu, le Nain s'assoupit rapidement pour dériver dans un monde onirique empli de nourriture, de métaux précieux et de boissons aux degrés alcoolémiques plus que suspects.
Ses paupières charnues se rouvrirent quelques heures plus tard dans la pénombre de la nuit. La boule de chaleur à hauteur de ses genoux avait disparue et une sensation d'humidité avait envahi la partie inférieure de son corps. Un mince filet de lumière passait par la porte entrebâillée, révélant l'épais liquide maculant la pièce.
Rouge... Les murs, le sol et les draps en étaient rouges. De longues trainées dégoulinaient lentement entre les planches du parquet. Une odeur cuivrée s'élevait lentement de la couche écarlate.
Le Nain sentit son cœur palpiter lorsqu'il découvrit la forme poignardée au milieu de sa porte... Son pelage n'avait plus rien de roux. Il était d'un rouge de sang...

Les pupilles du Nain se fendirent pour ressembler à deux fentes brillantes de colère au milieu d'un visage au rictus effrayant. Sa bouche se tordit en un hurlement silencieux et les veines de son cou se mirent à palpiter de plus en plus violement. Ses doigts se crispèrent dans le vide avec une telle intensité qu'on aurait pu les confondre avec les serres d'un de ces grands oiseaux de proie qui planaient dans les montagnes orientales. Une fureur sourde commença à se distiller dans ses veines pour aller inonder la moindre parcelle de son être... Il fallait qu'il tue celui qui avait ça... Et qu'il le tue maintenant.

Assis sur un fauteuil devant l'âtre flamboyant, Guntat maudit encore une fois le Nain pour les dégâts qu'il avait occasionné. En effet, après la correction qu'avait reçue Heinrich, moqueries et quolibets sur la virilité perdue du pauvre homme avaient fusé. Guntat avait fait un maximum pour désamorcer la situation avait qu'elle ne dégénère. Il avait même proposé une tournée générale de sa meilleure bière... En vain. Un trappeur plus qu'ivre avait suggéré qu'après ces événements, la mère d'Heinrich devait en avoir plus dans le pantalon que son fils... La plaisanterie avait été accueillie par un fou rire général jusqu'à ce que le trappeur se retrouve avec la tête écrasée à coups de tabouret par le fils en personne...

[Encore mille fois désolé, mais cette fois, je ne suis pas responsable. Je m'active pour combler au plus vite, tout en n'ayant aucune idée d'où il voulait en venir.]


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime26/11/2008, 20:00

XI
Inexorablement

Parce qu’aujourd’hui j’ai été libre, demain je suis perdu.




Enfin, il était libre. Backe Leiden était libre. Il respirait profondément, et eut soudain envie d’user de sa liberté. Un irrépressible besoin de se servir de ses jambes, de courir, de bondir, de sauter et de tournoyer. Ce qu’il fit aussitôt, ignorant les remerciements enflammés et baignés de larmes de l’ex-condamné à mort, qu’il laissa sur place, perdu, bondissant comme un dératé en direction de la forêt.
Les troncs resserrés défilaient à une vitesse folle depuis un moment déjà, quand, mesquine, la faim le prit en traîtresse. Il ralentit l’allure, évita de justesse un stupide accident, et se mit en quête de quoi se remplir la panse. Après un ou deux miles, il décida que la forêt ne l’aimait pas assez, et qu’il n’y trouverait rien d’assez immobile pour satisfaire son palais et faire taire son estomac impudent. Il sortit de sous les feuilles, fit confiance à ses bottes pour lui trouver une direction convenable, et ordonna à ses jambes de le porter droit devant. Une heure au milieu des collines verdoyantes plus tard, alors qu’il se trouvait sur le point de faire des reproches à ses bottes pour leur incompétence, son nez l’informa soudain que ça ne serait pas nécessaire. La puanteur d’un poulailler. Ses bottes avaient fait le bon choix. Comme toujours, en fin de compte. Et là, adossée à une colline qui l’avait cachée à ses yeux prédateurs, une petite ferme au toit de chaume. Et devant la ferme couraient des poules… Elles n’étaient pas parfaitement immobiles, certes, mais elles feraient très bien l’affaire.
Il se lécha les lèvres d’un long mouvement de la langue, et son œil pétilla. Il sauta la clôture, fit quelques pas au milieu des volailles, qui s’écartèrent bruyamment dans des tourbillons de plumes et de poussière, observant attentivement d’un œil attentif et intéressé, choisissant avec soin laquelle aurait l’honneur de lui servir de repas. Quand, sursautant presque, il baissa les yeux pour découvrir ce qui avait failli le faire trébucher. Une poule. Mais différente des autres. Droite, le port altier et noble, l’œil intrépide et résolu, elle lui barrait la route. Contrarié d’être ainsi contraint de mettre ses recherches entre parenthèses, il plongea son regard dans celui de la poule. Après un long moment de tension, bien que de plus en plus intrigué, il dût se résoudre à lui faire signe de partir, d’un geste qu’il essaya de rendre le moins dédaigneux possible. Mais l’audacieuse n’apprécia pas d’être chassée de cette façon. Elle se gonfla, devint menaçante, déploya les ailes et jeta des cris stridents.
-Côôôôt ! Côôôôôôôôt !
Surpris, presque scandalisé qu’on put lui manquer de respect d’une telle manière, il resta pensif. Voilà plusieurs minutes que le duel était engagé, sans qu’aucun vainqueur ne se dessine clairement, que la partie pensante de son cerveau conçut une idée qu’il trouva lumineuse. Cette poule était parfaite, et elle méritait cet honneur. Il allait la manger. Confiant et le sourire aux lèvres, il enjamba le no man’s land et s’empara de la poule, aussi simplement que cela. Elle gratifia son ravisseur affamé de coups de becs rageurs, et caqueta de détresse alors qu’il la serrait affectueusement sous son bras. Il repassa par-dessus la clôture, son pied rencontra malencontreusement une pierre et l'infortuné Répurgateur s'étala de tout son long sur le sol.
"Tu crois vraiment que c'était le moment de me faire tomber ?" pensa-t-il à l'adresse de son pied maladroit. A sa grande déception, il ne lui répondit pas et ne présenta pas d'excuses.
Il n'eut pas le temps de se pencher plus longuement sur l'impolitesse de ce pied, une boule rouge et noire hurlante venant de faire son apparition dans son champ de vision.
"Aïe aïe aïe..."
Effectivement. Le coq n'avait guère l'air d'apprécier le traitement infligé à sa compagne et se mit à becqueter furieusement le visage de Backe. Les volailles avaient l’avantage du nombre, mais il n’allait pas se laisser faire. Il tira son épée, la passa en travers du coq et empoigna ce qu’il en restait dans son autre main. Les deux mains prises, il eut le plus grand mal à se remettre debout. La poule caquetait toujours, mais voilà qu’autre chose lui hurlait dessus. Il commençait sérieusement à en avoir marre…
- Au voleur ! Au voleur !
Le fermier avait prit la relève. Décidément, la terre était contre lui. Il eut mouvement de lassitude, et se mit à courir droit devant lui. Les cris du fermier se firent plus distants, et il ne fut bientôt qu’un petit point noir agitant une fourche au dessus de sa tête.
Il retrouva le couvert des arbres, qui lui parurent bien plus accueillants avec ses deux nouveaux compagnons. Son estomac le pressant vivement, il se trouva un endroit confortable, baigné de rayons que filtrait la voute feuillue. Il se laissa tomber sur le sol moelleux, s’adossa contre un tronc et allongea les jambes. Il fit confiance au coq pour ne pas s’enfuir, le laissa gisant à côté de lui et brandit la poule caquetante devant ses yeux. Il fit jouer les rayons de soleil sur son plumage, la tourna et la retourna, l’analysant sous toutes les coutures. Il se décida enfin à mordre dedans, et regretta aussitôt sa précipitation quand il manqua de s’étouffer en avalant des plumes. La poule hurla à la mort. Et soudain, elle se tût et trembla. Elle aussi avait sentie quelque chose. Un sombre pressentiment s’empara soudain de son cœur, comme un seau d’eau froide qu’on aurait versé dessus. Il se releva, lâcha la poule qui mourut en s’écrasant au sol, couchée à jamais aux côtés de son coq. Et il leva les yeux. Au-delà de la voûte, le ciel était limpide, du bleu le plus pur. Le soleil éclatant perçait les feuilles de multiples points de lumière, et il fut soudain ébloui. Il ferma les yeux et plongea dans le noir. Noir, comme une nuit sans nuages ni étoiles. Un frisson parcourut son échine, l’eau se gela, devint une poigne glacée qui se referma brutalement sur son cœur. Il cligna des yeux plusieurs fois, la respiration saccadée. Et toujours ces ténèbres, cette nuit, ce gouffre abyssal et insondable. Vinrent ensuite les persistances rétiniennes. Le soleil avait laissé des tâches sur ses paupières… Les tâches étaient vertes, dispersées, innocentes. Alors, lentement, inexorablement, elles s’assemblèrent.
Morrslieb.
Ainsi, la lune l’avait retrouvé. Elle trônait dans sa nuit, impitoyable et infiniment cruelle. Elle paraissait presque heureuse. Et soudain, un rire déchira son âme, glacial, inhumain, tranchant comme de l’acier et empli d’une malveillance sans âge. Et l’espace d’un instant, cette malveillance éternelle s’était tournée contre lui. Il ouvrit les yeux au prix d’un effort incroyable, leur interdit de cligner, et attendit.
La forêt s’était figée, gelée par quelque maléfice. Les rangées de troncs lui parurent autant de colonnes gothiques, grises comme la pierre, funestes. La voûte était noire, et le soleil n’était plus là. Les branches craquèrent douloureusement, des feuilles tombèrent, et, au ralenti, vinrent se briser au sol. Tout semblait mourir. Alors le vent se leva, d’abord gémissant, plaintif. Il amena les brumes, qui naquirent d’entre les colonnades. Les vents devinrent hurlants, les brumes se changèrent en ténèbres, et il eut froid au plus profond de son être.
Il sentit le regard impitoyable se faire plus insistant, il sentit un étau se refermer. Il sentit que son destin ne lui appartenait plus. Pris au piège… Inexorablement.
Les feuilles tournoyaient autour de lui, soulevées par les vents, et les ténèbres resserraient leur étreinte. Sa main se porta d’elle-même à son épée. La prise de conscience qu’il n’était peut-être pas impuissant amena une lueur d’espoir, et il empoigna fermement l’héritage de son père. Alors Sigmar s’éveilla. La douleur fut immense, atroce, mais il ne lâcha pas prise. Brûlantes comme des braises, les plaies s’étaient ouvertes, et le sang en coulait. Un sang bouillonnant, plus chaud que le plomb fondu et fumant de fureur. Il se déversait le long de ses avant-bras, emplissait ses poings tremblants, et la terre à ses pieds en fut recouverte. Le bras traversé de violents soubresauts, il leva son épée, astre éclatant qui réchauffa son âme. Plus blanche et plus brillante que le soleil, elle illumina les ténèbres et les fit reculer. Les plaies ardentes se changèrent en fournaises et la douleur franchit un nouveau cap insoupçonné, se fit plus déchirante encore. Une sueur glacée coula le long de son corps, il fut pris de vertiges et de nausées. Il serra les mâchoires si fort que du sang jaillit des gencives, et une mousse sanglante vint à ses lèvres. Alors, il chancela.
L’astre faiblit, les ombres resserrèrent leur étreinte cruelle. Mais le sang coulait toujours, et le brasier gagnait chaque instant en ampleur. Au dessus de lui, quelqu’un pleurait. Le brasier vacilla… Son frère n’était certes pas la plus intéressante des créatures, mais il fut heureux de le revoir. Cela faisait tellement longtemps… Il aurait tant aimé ne pas comprendre. Alors, pour la seconde fois de son existence, il eut réellement peur. Une forme s’éleva des ombres, s’amplifia pour venir se poster devant lui. Un guerrier en armure rouge, la hache à la main. L’horreur faite chair. Du sang coula de la hache, et éclaboussa les lourdes plaques d’airain. Son père était mort… Et son fils, l’épée à la main, gardait le cadavre. La hache frémit, et une flamme de haine passa dans le regard du démon.
« Son sang sera bu… »
Alors, le brasier explosa. Et puis un autre, plus primordial, plus primitif, bien que moins brûlant. Les deux flammes, l’une blanche et ardente, l’autre froide et affamée se disputèrent son cœur. Car, enfin, il voulait vivre. Mais le cadavre lui rappela qu’il n’en avait pas le droit. Il devait se battre, comme son père s’était battu avant lui. Et, alors que le brasier vengeur dévorait son désir de vivre, alors que la lame blanche se levait à nouveau, une nouvelle flamme se dressa. Elle naquit dans un sombre recoin de sa pensée, crût, devint gigantesque, et son éclat fut tel qu’il effaça celui de Sigmar. Il avait failli oublier qu’avant tout, il était libre. Libre de vivre, libre de s’en aller. Et ça n’était pas ce terrifiant guerrier recouvert du sang de son père qui y changerait quelque chose. Un sourire narquois retroussa ses lèvres noircies. Le brasier hurla, Sigmar se chauffa à blanc. Mais il avait fait son choix. Il se retourna lentement, inexorablement, l’âme consumée. Et il s’élança.
Porté par le vent, il courut droit devant lui. Il courut sans s’arrêter, et le soleil passa plusieurs fois derrière l’horizon. Loin, très loin derrière lui, un hurlement de rage déchirant éclata. Il perça sa chair comme un poignard, et, tel le poison qui perle sur le tranchant, un murmure.
« Je me vengerai… »


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime1/12/2008, 18:06

II
Fils d'Ulthuan


"Le frère combattra le frère, l'épée contre l'épée, le loyal contre le traître, et l'aube sera rouge de leur sang."


I
Le sang des traîtres

La tragédie se répète




"Il fut un temps où le frère combattait le frère, où le fils tuait le père, un temps de traîtrise et de meurtres, resté dans nos mémoires sous le nom de Déchirure. Ces temps sont loin désormais, mais la trace en est encore présente aujourd'hui parmi nous. A l'Ouest, dans les Terres Glacées de Naggaroth, les Druchii se préparent une fois de plus à éprouver notre résistance et notre courage. Nous ne permettrons pas que nos terres soient souillées une nouvelle fois par leur présence. Mais le mal n'a pas disparu de nos cœurs, et la tragédie qui toucha notre peuple pourrait bien se répéter.
Nous avons été maudits et promis à toutes les atrocités pour n'avoir su nous garder du pouvoir corrupteur du Chaos, et nous en payons encore le prix chaque fois qu'un des nôtres tombe sur le sol déchiré par la lame noire d'un Draich. Nous devons prendre garde, car bientôt le Chaos se réveillera et nous pleurerons une nouvelle fois de n'avoir pas été assez vigilants. Mais nous resterons droits et fiers dans la lumière comme dans l'ombre, même si les ténèbres du Chaos nous enveloppent de leur noirceur. Aussi, gardez espoir, mes frères, car les dieux veillent sur nous."
Roi Phénix Finubar le Voyageur


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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime1/12/2008, 18:08

II
L'Oublié

Je me vengerai...



Promis à une éternité de tourments, livré aux pires supplices, condamné à vivre. Il avait prié les dieux de lui accorder la mort, les avait suppliés d'abréger ses souffrances, mais nulle réponse n'était venue à ses prières. Il avait hurlé sa haine, avait maudit ceux qui l'avaient abandonné à sa douleur, mais les seules réponses avaient été les cruels ricanements de ses geôliers.
Il se résigna alors à son sort, se soumit aux tortures qu'on lui infligeait, et oublia sa vie passé, sa liberté, les terres de Chrace, et jusqu'à son propre nom. Pour lui, il n'existait plus ni jour ni nuit, seulement une alternance entre les moments où on le torturait et ceux où on le laissait dans un semblant de repos. Sa vie n'était plus rythmée que par les pas des rondes des gardes Druchii, les hurlements stridents des rapaces à la recherche de proies, et les coups de lame qui entaillaient régulièrement sa chair.
La carcasse décharnée n'était agitée d'aucuns mouvements, d'aucun signe de vie. Un observateur attentif aurait pu discerner, parmi les nombreuses cicatrices qui balafraient le visage, deux paupières closes. Closes mais prêtes à s'ouvrir au moindre geste. Il s'était adapté à sa condition, avait pris l'habitude des vicissitudes de ses gardiens, et était toujours sur la défensive. Les deux yeux d'un bleu limpide, seuls vestiges du ciel sous lequel il avait autrefois vécu, s'ouvrirent subitement. Il était temps. Il savait toujours précisément quand ses tourmenteurs devaient revenir le chercher dans sa cellule pour le traîner vers les salles de torture. Il patienta quelques minutes. Etrangement, nul bruit de pas ne se faisait entendre. Peut-être avaient-ils renoncé pour ce soir, afin que la douleur de l'espérance brisée soit plus forte le lendemain. Il baissa la tête, l'infime étincelle d'espoir s'évanouissant aussi subitement qu'elle avait failli naître. Tout aurait pu s'arrêter là. Mais il n'en fut pas ainsi.
Un souffle à peine perceptible, un murmure...
"Arsuynar...."
Il ne réagit pas.
"Arsuynar...»
Il se redressa. Il croyait se rappeler. Des images fugaces. Des paysages baignés de lumière, aveuglants pour ses yeux restés trop longtemps à l'obscurité. Mais très vite, le noir absolu, d'autant plus sombre que la lumière l'avait effleuré.
"Arsuynar."
Le nom se faisait insistant. Le murmure était devenu une voix claire, pure et cristalline. Un son comme il n'en avait pas entendu depuis des années. De nouveaux, les silhouettes lumineuses se dessinèrent, gagnant en précision, manquant même de se révéler, avant de disparaître à leur tour. Mais cette fois, leur image avait été imprimée sur sa rétine. Il y était presque arrivé, et la prochaine fois serait la bonne. Le souvenir de la musique suave de la voix réchauffa son corps meurtri. Il n'était plus seul.

L’ombre menaçante et tourmentée de la citadelle s’étendait sur la terre de Naggaroth. La lune était pleine, et baignait le paysage de son halo diffus et amer. Un grand rapace noir passa dans le ciel et son cri strident retentit.
Son ombre se découpa un instant à ses pieds, dans la pâleur lunaire que la haute fenêtre accordait aux dalles noires. Des arches hautes et étroites s’ouvraient sur son passage. Des plaintes de désespoir, des hurlements de douleur et des rires cruels se déversaient de chacune d’elles. Son ombre se découpait à lueur des lampes magiques, évoquant quelque lame d’ébène. Le druchii faisait sa ronde, comme toutes les nuits. Ou presque...
Son cœur pétri d'arrogance ne pouvait seulement le concevoir. Il n'avait rien entendu, il n'avait rien vu venir. Il ne pouvait pas y croire... Non, cela ne se pouvait pas ! Et il mourut avec cette conviction, l'incompréhension sur les traits, les lèvres abreuvées de son sang.

Irnäel. C’est ainsi qu’il avait été nommé. Il reniflait, le museau souillé de sang druchii. Soudain, il leva la tête, secouant sa crinière blanche. Il l’avait trouvé. Et il était vivant.
Il bondit, courut, souple et léger comme le vent, grimpa une volée de marches luisantes et déboucha dans une vaste salle, dont la voûte se perdait dans les ténèbres.

Un lourd silence s’abattit, laissant à ses tympans un bourdonnement insoutenable. Une étoile blanche semblait briller, loin devant lui…

Trois druchiis s’étaient levés. Une lueur d’excitation dansait dans leurs yeux, et une joie mauvaise retroussait leurs lèvres fines. Engoncés dans leur armure, le draich brandi, les gardes de la citadelle approchaient lentement, avec une nonchalance cruelle. Irnäel allait mourir. Il avait été stupide de penser que ce serait si facile. L’Asur était pourtant si près…

L’étoile crut, et sa lumière s’amplifia, jusqu’à le submerger complètement. Tout devint blanc. Et de ce blanc le plus pur naquirent des formes, des couleurs, qui se mélangèrent jusqu’à devenir distinctes. Les silhouettes lumineuses se révélèrent enfin, et la voix cristalline parla de nouveau.
"Souviens-toi, Arsuynar."
L’infime instant s’étira et devint une éternité. Les lèvres bleuies remuèrent.
"Oui… je me souviens."
Les mots lui semblèrent les premiers à sortir de sa bouche depuis des siècles. Ils lui parurent étrangers, incompréhensibles. Mais il savait qu'ils étaient les siens. Car, enfin, il se souvenait.
Il avait eu un nom autrefois. Arsuynar. Et Chrace avait été sa terre.
La douce caresse des herbes sur ses genoux. Le grondement de l’océan et l’air intense du large.
Les vagues scintillaient sous les derniers rayons du soleil. Le soleil. Il avait oublié jusqu'á la signification de ce mot. Et ce soleil était rouge.
Rouge comme le sang. Le sang qui perlait au bout d'un draich, luisant dans la pâleur du clair de lune. Le sang de ses frères qui maculait ses fourrures.
Et le fracas de l'acier. Ses chaînes tombèrent, arrachées de leurs anneaux.
Des cris de guerre furieux. Il s’élança en hurlant.
Et le sang de ses ennemis. Le gout du sang druchii dans sa bouche.

Le premier garde s’effondrait, le visage réduit en bouillie sanguinolente, d’où s’écoulait la cervelle. Une seconde après, le dernier druchii réagissait enfin, en voyant le deuxième garde s’écrouler à son tour, la nuque brisée. Il bondit sur l’assassin de ses frères, mais trébucha, déséquilibré par un poids nouveau. Les puissantes pattes d’Irnäel étaient ancrées sur ses épaules, et ils roulèrent ensemble, jusqu’à ce que le lion trouve finalement la gorge de son adversaire. Le druchii fut pris de convulsions tandis que le lion assurait plus fermement sa prise. Il avait réussi.

Arsuynar était libre. Le sang du premier garde dégoulinait de sa bouche entrouverte, où il se mêlait à l’écume. Son regard était fou, et tout son corps tremblait violemment. Il hurla sa liberté, et son cri roula comme le tonnerre.

Le vent glacial mordait sa peau torturée, et les pierres tranchantes meurtrissaient ses jambes en lambeaux. Mais il avait enduré les pires tourments qui soient pendant une éternité, et il était libre.

Il marchait. Ou il l'aurait voulu. Mais ses jambes décharnées n'avaient plus la force de porter sa carcasse exsangue. Alors Irnaël l'avait porté. Il n'avait pas d'autres choix, et aurait trouvé la mort sans cette aide dans les terres désolées du Grand Froid. Le lien qui se tissa entre ces deux êtres ne peut être décrit. Comment raconter le périple effectué à travers tout Naggaroth, la marche sous les tempêtes, la fuite des assassins qui les traquaient ? Comment définir la relation entre l'animal qui portait, nourrissait, protégeait l'elfe comme son petit, et le torturé qui semblait n'avoir jamais connu que misère et souffrances ?

Quand ils parvinrent aux côtes de l'Océan, Arsuynar n'était plus le même. Le squelette ambulant avait presque réussi à s'épaissir, ses cheveux étaient sur le point de retrouver leur éclat doré passé, mais le plus flagrant était la flamme qui brillait dans son regard. Une flamme de haine, de vengeance, mais aussi d'espoir. Il se sentait prêt pour l'épreuve.
Trois jours et trois nuits. Durant trois jours et trois nuits, Irnaël nagea en direction des côtes d'Ulthuan, bravant les tempêtes marines et les foudres de Mathlann. Arsuynar survécut. Quand enfin ils échouèrent sur le sable blanc de Chrace, il était malade, dégoulinant d'eau de mer, mais il était en vie, et de retour sur sa terre.
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime1/12/2008, 18:10

III
Frères ennemis

Et l'Aube sera rouge de leur sang...




Sous le soleil éclatant d'une après-midi d'été, une silhouette était assise sur un rocher, à l'ombre des grands monts de Caledor. Dans une prairie vallonnée, agréablement fraîche en ces temps de chaleur, le jeune Arduilanar Theril attendait patiemment. Son regard vagabondait de tous côtés, à la recherche de celui qui lui avait donné rendez-vous, et se fixait brièvement sur un ruisseau, l'antre béant d'une caverne, un rocher... Enfin, il perçut une présence familière. Il se leva dans un élan de joie, le sourire aux lèvres, et courut jusqu'à Thirnaedil, son frère aîné. Grands, élancés, le visage fin, les deux frères de la famille Theril se ressemblaient beaucoup. Thirnaedil, son aîné de vingt ans, avait perdu l'air innocent et candide d'Arduilanar, qui à ses yeux n'était qu'un enfant. Il faut dire qu'il n'avait même pas achevé son premier siècle d'existence. Quant à lui, la fureur des combats qu'il avait dû mener l'avait définitivement fait passer dans l'âge adulte. Il revenait d'ailleurs d'une campagne dans le Nord, étant parti avec vingt autres princes Dragons secourir leurs frères de Chrace assaillis par les Druchii.
La vie des bûcherons du Nord n'était guère aisée. En ces temps troublés, les raids des elfes noirs se multipliaient, et le royaume nordique était souvent le premier touché par la guerre. Bien que la vaillance des guerriers de Chrace et des légendaires Lions Blancs fût grande, ils n’étaient pas toujours de taille à repousser leurs sombres cousins. Quand, une fois de plus, les Arches Noires avaient vomi sur les rivages immaculés d'Ulthuan des flots de guerriers vêtus de noir, de monstres polycéphales et de machines de guerre aux traits acérés, les populations des petits villages forestiers avaient été évacuées vers Tor Achare, où les stratèges des Asurs estimaient qu'elles seraient plus en sécurité. Habituellement favorisés par le terrain, les Lions Blancs se retrouvaient enfermés entre des murailles, ne pouvant compter sur leurs tactiques d'embuscades et de guérillas sylvestres. L'erreur des stratèges avantageaient les Druchii qui, soulagés de ne pas avoir à combattre les guerriers de Chrace là où ils étaient avantagés, assiégèrent Tor Achare.
Pendant plusieurs semaines, les défenseurs agglutinés sur les remparts voyaient, impuissants, les forces ennemies qui se massaient au pied des murs étincelants de la cité et préparaient le siège. Les nombreuses balistes des elfes noirs firent des dégâts considérables parmi les rangs des Asur, qui ne disposaient quant à eux d'aucune machine de guerre pour y répondre. Voyant la situation se dégrader rapidement, le prince de Tor Achare fit appel aux autres royaumes d'Ulthuan. Avec les vingt Dragons qu'elle envoyait, la participation de Caledor fut des plus remarquées et des plus appréciées. Menés par Thirnaedil et son Dragon Stellaire Galemion, les renforts venus du Sud défirent en moins de deux jours les elfes noirs, et Tor Achare fut sauvée. Seul point noir au tableau, le prince de Tor Achare avait été assassiné durant la nuit par un Druchii, qui s'était introduit dans la cité malgré les défenses.
Les assaillants survivants se replièrent dans les forêts, offrant l'occasion aux Lions Blancs de faire preuve de leurs talents de forestiers lors de la traque de leurs ennemis, qui furent presque tous retrouvés et exterminés.
Les délégations des autres royaumes purent quitter Chrace après avoir été dûment remerciés par la population (remerciements peu appréciés de certains guerriers de Caledor, considérant les rudes bûcherons de Chrace comme des sous-elfes à peine supérieurs à la racaille humaine).

Thirnaedil était donc rentré, après avoir envoyé à son frère un oiseau porteur du message qui lui donnait rendez-vous dans la plaine des Dragons, le dixième jour du deuxième mois d'été. Il affirmait avoir des choses importantes à lui dire. Arduilanar était parti tôt le matin vers la plaine, et y avait attendu une demi-journée l'arrivée de son frère, qui revenait en héros.
Mais déjà Arduilanar avait oublié le temps qu'il avait passé seul à patienter. Il ne pensait plus qu'à son frère, son modèle depuis sa plus tendre enfance, celui qu'il avait toujours admiré, vénéré même. Il le pressa de questions sur la guerre, les elfes noirs, sur le territoire de Chrace.
"-Sois gentil, petit frère, attends que j'ai répondu avant de poser une nouvelle question.
-J'aurais tant aimé être à ta place, et combattre pour mon peuple sur le dos d'un Dragon. Quelle chance tu as d'avoir pu chevaucher Galemion...
-Toi aussi, tu combattras un jour sur son dos. Tu n'as pas idée de la sensation de puissance que l'on peut éprouver lorsque l'on fonce vers le sol, piétinant les ennemis, les carbonisant du souffle du brûlant d'un dragon... mais ce n'est pas ce que j'avais à te dire. Tu te rappelles du contenu de ma lettre ?
-Bien sûr. Tu disais vouloir me parler d'une chose particulièrement importante à propos de laquelle je devais garder un secret absolu.
-C'est bien ça.
-Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire ?
-Chaque chose en son temps. Tout d'abord, je voudrais savoir ce que l'on t'a appris sur les elfes noirs.
-Les elfes noirs sont nos cousins, qui se sont séparés de notre peuple suite à la Déchirure. Traîtres, fourbes et corrompus, ils nous ont attaqués par surprise sous les ordres de leur chef dépravé Malékith, mais nous les avons repoussés et chassés hors de notre terre. Ils ont été contraints de se réfugier à Naggaroth, la terre du Grand Froid, inhospitalière et hostile, d'où ils envoient aujourd'hui encore de nombreux raids vers nos terres et le Vieux Monde.
-Je vois que ton précepteur a bien fait son travail. Maintenant, jure solennellement que tu ne répéteras jamais ce que je vais te dire.
-Pourquoi ?
-Fais-le, c'est tout. Ou je ne te dirai rien.
-Très bien. Je jure solennellement par Asuryan tout puissant dont la parole est sacrée plus que toute autre, dieu de lumière et de vérité, et qui me protège du mensonge et de la calomnie, que je ne répéterai à quiconque les paroles que tu vas m'adresser.
-C'est bien, très bien. Je vais te raconter ce qui m'est arrivé durant que combattais dans le Nord.
-Très bien. Je jure solennellement par Asuryan tout puissant dont la parole est sacrée plus que toute autre, dieu de lumière et de vérité, et qui me protège du mensonge et de la calomnie, que je ne répéterai à quiconque les paroles que tu vas m'adresser.
-C'est bien, très bien. Je vais te raconter ce qui m'est arrivé durant que combattais dans le Nord. Comme tu le sais, je suis parti combattre sur le dos de Galemion. Quand je suis arrivé sur le champ de bataille, mon cœur s'est empli de haine à la vie de ces infâmes elfes noirs qui souillaient notre terre ancestrale. Je me devais de les tuer, d'exterminer leur race ignoble. Ne pouvant plus tenir, j'ai sauté à terre, et je me suis alors livré à un véritable carnage. Plus les morts s'accumulaient autour de moi, et plus mon état se rapprochait de l'extase. Je me nourrissais des cris et du sang qui giclait à chacun de mes coups, et je flamboyais intérieurement. L'ivresse de la mort et de la destruction me gagna. Pendant un instant, je ne fus plus qu'un animal sauvage et enragé, avide de sang. Je déchirai la chair de mes ennemis, faisait voler leurs têtes, transperçait leurs cuirasses difformes, j'exultai face à cette vengeance que je menais au nom de mon peuple.
Je ne compris pas immédiatement ce qui m'arrivait. Toi qui me connais mieux que beaucoup, tu sais que je suis d'un naturel calme et posé, mais sur e champ de bataille je n'étais plus le même, car j'étais possédé par la soif de mort de Kaela Mensha Khaine, le Dieu à la Main Sanglante.
-Kaela Mensha Khaine ? Mais son culte est interdit en Ulthuan !
-Il a été interdit par des faibles, apeurés devant la puissance qu'il peut nous conférer. J'ai vu les Furies, les épouses de Khaine à l'œuvre, et crois-moi, si nous combattions comme elles, notre peuple ne serait pas réduit à ce qu'il est aujourd'hui : un ramassis de décadents trop mous pour gagner ! L'avenir de notre race passe par l'adoration de Khaine et la réunification.
-La réunification ? Quelle réunification ? Tu sais bien que les elfes d'Athel Loren refusent depuis toujours...
-Tu n'as donc rien compris ? Je parle d'une réunification entre Druchii et Asurs, d'une alliance entre deux peuples de frères.
-Co... Comment... Comment oses-tu parler d'une alliance avec les meurtriers de nos pères, avec ces traîtres, ces fourbes, ces assassins corrompus par le Chaos ? Toi-même, tu ne pensais qu'à les détruire !
-C'est parce que j'ignorais tout. A l'issue du combat que je menai, je tombai, épuisé, sur une colline faite des cadavres de mes ennemis. J'en avais tué à moi seul plus de quatre-vingt. Et penses-tu que j'aie été accueilli comme un héros ? Non, je leur faisais bien trop peur. Ces lâches n'osent s'affirmer, mais je sentais dans leurs regards que ma hargne les avait effrayés, dégoutés même. Chez mes frères de race, je n'avais droit qu'au mépris. Mais les Druchii, eux, me considéraient comme un élu de Khaine, comme un héros. Eux ne craignaient pas de se livrer à un combat féroce et sans pitié. Eux n'ont pas peur de goûter au sang. Eux savent que pour survivre il faut tout donner, et se donner corps et âme au Dieu de la Guerre. C'est pour cela que j'ai décidé de les rejoindre à la tombée de la nuit."
Arduilanar, atterré par ces propos, n'eut même pas la force de prendre la parole pour protester.
"-Je savais bien qu'ils ne me laisseraient pas pénétrer dans leur camp, aussi ai-je décidé de me munir d'un laissez-passer. Avec la tête du prince de Tor Achare dans mes mains, ils m'ont presque accueilli à bras ouverts. J'ai longuement discuté avec leur chef, un dynaste de Naggarond, qui m'a ouvert les yeux. Si ceux de notre peuple sont trop peureux pour accepter la réunification, nous devrons la leur imposer. J’ai donc pris la décision de bientôt partir pour Naggaroth où je pourrai préparer une attaque contre ceux qui ne se soumettront pas à l'Alliance."
Arduilanar resta interdit. Puis, soudain, et sans aucune raison apparente, il fut pris d'un grand éclat de rire qui résonna, haut et clair, dans toute la vallée.
"-Thirnaedil, tu sais que tu as failli me faire marcher avec tes histoires abracadabrantesques ?
-Ce n'est pas une histoire drôle.
-Pourquoi devrais-je croire ces sottises ? Tu m'as fait peur, j'ai bien ri, maintenant reconnais la vérité.
-Ce n'est pas une blague, et j'en ai la preuve dans le sac que je porte à mon côté."
Arduilanar jeta un coup d'œil intrigué au sac que son frère désignait.
"-Et quelle est donc cette preuve, grand frère ?
-Tu vas le savoir tout de suite. Je n'ai pas rejoint tout de suite après être arrivé dans notre demeure, ce qui explique mon retard. En effet, j'ai jugé qu'il était préférable d'informer nos parents avant toi des choix que j'avais pris. J'espérais..., soupira-t-il. J'espérais qu'ils se montreraient raisonnables, qu'ils accepteraient mon choix. Mais ils se montrèrent aussi têtus et obstinés que ceux de notre race, et devant les menaces qu'ils proféraient, je n'ai eu d'autre choix que de les éliminer tous les deux. J'ai versé des larmes devant leurs corps transpercés de coups, mais je devais le faire. Ce sont eux-mêmes qui m'y ont obligé.
-Thirnaedil, ta farce va un peu loin.
-Tu ne me crois pas ? Regarde donc !"
Et Thirnaedil, sous le regard qui se remplissait d'effroi de son jeune frère, extirpa de son sac une main blanche et toute tachée de sang.
"-Voici la main de notre père".
Puis il en sortit une deuxième, ornée de bagues.
"Et voici celle de notre mère."
Arduilanar sentit les larmes qui montaient à ses yeux malgré lui. Son univers venait de s'effondrer devant lui.
"-Comment... comment as-tu pu... sanglota-t-il.
Il se sentit soudain animé d'une force qui n'était pas la sienne, et un doux rayonnement qui réchauffait de l'intérieur son corps et son esprit, et il reprit d'une voix forte :
-Comment as-tu pu te montrer vil au point de trahir ton père et ta mère, et de les assassiner sous leur propre toit ? Comment as-tu osé perpétrer un meurtre envers ceux auxquels tu dois la vie ? Comment as-tu pu perpétuer les actes infâmes qui ont causé la Déchirure de notre peuple, et la malédiction qui s'abat sur tous les elfes ! Je jure solennellement par Asuryan tout puissant dont la parole est sacrée plus que toute autre, dieu de lumière et de vérité, par Isha Mère des Elfes, qui protège ses enfants des ténèbres, par Lileath la Vierge, dont la pureté n' a été maculée d'aucune tache, par Vaul le Forgeron Céleste, par Morathi Détentrice du destin, par Kurnoos le Chasseur, par tous les dieux que les Asur prient et ont prié, que je n'aurai de répit ni de repos auprès d'eux tant que je n'aurai pas vengé la mort de nos parents que tu as assassiné !
-Comme tu voudras, mais tu m'obliges à te réserver le même sort qu'à eux. Trouves-tu bien prudent de t'être condamné en si peu de paroles à une damnation éternelle ? Mais je te laisse ta chance de me vaincre. Prend une épée, et affronte-moi.
-Très bien. Tu paieras pour tes crimes de ma main, misérable."
Arduilanar saisit sa grande épée bleue qui scintillait sous le soleil éclatant de cette journée d'été. Dans un frottement d'acier, Thirnaedil sortit lui aussi son épée de son fourreau. Mais à la surprise de son frère, ce n'était pas une lame effilée comme en portent les Asur, mais un Draich noir, encore maculé de sang.
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime1/12/2008, 18:10

"-Tu te demandes comment j'ai obtenu cette arme ? C'est un présent du dirigeant de l'armée Druchii qui assiégeait Tor Achare. Il me l'a remis en signe de confiance. Cette lame a encore soif de sang, aussi, prend garde à sa morsure !"
Il se jeta aussitôt sur Arduilanar qui para son attaque in extremis. Il vit les yeux de son frère s'animer d'un éclat maléfique tandis qu'il entrait en la possession de Khaine. Les coups déferlèrent contre le jeune elfe, encore peu aguerri, qui contrait comme il le pouvait les attaques de son frère. Il ressentit le froid glacial de l'acier contre son bras, et sa manche se teinta de rouge. A la vue, du sang, Thirnaedil entra comme en transe, et il se jeta au combat avec une fureur doublée tandis qu'il récitait les litanies du Dieu à la Main Sanglante. Arduilanar ne pouvait rien face à la furie de Kaela Mensha Khaine. Sa chair fut bientôt entaillée de multiples blessures, et il finit par lâcher son arme après un coup terrible qui transperça son bras gauche. Son frère retira la lame noire et en lécha le sang. Soudainement, et sans qu'il s'y attende, Arduilanar prit la fuite à toutes jambes.
"Tu penses pouvoir disparaître sans que je te retrouve ? Sache que tu ne fais qu'accroître légèrement l'échéance avant laquelle je ferais l'offrande au dieu Khaine de ta mort."
Arduilanar courait, courait à perdre haleine pour sauver sa vie. Il n’avait pas la force d’affronter un dieu – ou même ne serait-ce qu’un corps possédé par l’esprit brûlant d’un dieu. Pour le vaincre, il allait devoir ruser. Heureusement, il avait un plan, bien qu’élaboré à la hâte. Il se retourna et vit que son frère se jetait à sa poursuite.
« -Bien, bien. Ce traître regrettera de m’avoir suivi – à condition qu’il ne me rattrape pas avant le bon moment. »
Le jeune elfe sprinta jusqu’à l’entrée de la grotte de Galemion. Il pénétra à tâtons dans les galeries obscures, refaisant de mémoire le parcours qu’il avait effectué si souvent dans son enfance. Il arriva enfin à l’antique caverne où vivait le Grand Dragon Stellaire. Il entendit aussitôt des bruits de pas dans son dos suivis d’un ricanement qui glaça son sang.
« -Pauvre naïf… Tu croyais que je tomberais dans un piège aussi stupide ? Galemion dort en ce moment même, et ce n’est pas toi qui le réveilleras ! Tu as dû penser qu’un animal aussi « noble » n’hésiterait pas à se débarrasser de son ancien maître si tu le présentais comme un traître envers ceux de sa race, et tu n’avais pas tort. Mais tu ignorais que Galemion est une des créatures les plus anciennes encore en vie sur cette terre, et à peine en a t’on fini avec lui qu’il s’endort pour des mois, voire parfois des années. Ton heure est venue, mon cher frère. »
Arduilanar n’avait pas songé à cette éventualité. Il comptait en effet sur le dragon pour le défendre, mais ses plans tombaient à l’eau. Il allait devoir combattre seul, sauf s’il pouvait réveiller lui-même Galemion – ce qui était hautement improbable en un temps si court. Même les plus talentueux des Princes de Caledor devaient parfois patienter durant des années avant que leur monture sorte de leur torpeur. Mais, mû par son instinct, il s’approcha de l’animal assoupi et toucha son flanc. Il sentait la lente et régulière respiration de Galemion, puis, soudainement, un tressaillement. Etait-ce possible ?
Comme dans un rêve, il vit le long corps serpentiforme du dragon s’étirer, les paupières se lever, dévoilant les yeux dorés du reptile. Thirnaedil resta sans bouger pendant des secondes qui parurent des heures, comme statufié, et ne croyant pas au spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Galemion s’ébroua, ouvrit sa large gueule et poussa un rugissement majestueux qui fit trembler les parois de la caverne. Horrifié, Thirnaedil s’enfuit en courant, suivi du dragon qui rampait dans les galeries de la grotte trop étroites pour qu’il y prenne son envol. Arduilanar les vit tous deux disparaître dans le coude d’un boyau. Il ne remarqua pas que ses blessures, ouvertes plus profondément durant sa course, saignaient abondamment. Son esprit s’évada hors de son corps lorsqu’il s’écroula dans une flaque de son propre sang.


Dernière édition par Backe le 1/12/2008, 18:12, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime1/12/2008, 18:11

IV
Révélations

Je me vengerai…




Arduilanar fut réveillé par une douce chaleur sur son visage. Il ouvrit les yeux et vit Galemion qui expulsait doucement de l'air par ses naseaux pour le réchauffer. Il se rendit également compte qu'il était sous une épaisse couche de plantes médicinales qui faisaient à la fois office de couverture et d'antiseptique. Le jeune elfe se leva avec difficulté, mais fut heureux de constater que toutes ses blessures s'étaient refermées et commençaient à cicatriser.
"- C'est toi qui as fait ça ? demanda-t-il au dragon.
A sa grande surprise, l'animal hocha la tête.
-Alors… tu comprends ce que je dis ?
Nouvel hochement de tête.
-Merci. Merci pour tout. Tu m'as sauvé la vie plus d'une fois. Mais... qu'est devenu mon frère ?
L'animal lui désigna un objet blanc qui traînait dans un coin de la caverne. Arduilanar s'en approcha et reconnut une main, visiblement arrachée à son bras.
-Il… il est mort ?"
Galemion fit non de la tête. Alors, sentant se réveiller en lui le même instinct que celui qui l'avait fait réveiller le dragon, Arduilanar ferma les yeux et posa sa main sur la tête du reptile. Le lien qui unissait ces deux êtres se dévoila alors, car Arduilanar put voir dans l'esprit de Galemion une succession d'images, dont il comprit rapidement qu'il s'agissait des souvenirs de l'animal. Il vit d'abord une petite pile de tissu. En y regardant de plus près, il vit que ce n'était non pas une pile de tissus, mais un jeune enfant emmailloté dans des langes. Et à côté de lui, une femme morte, une épée tâchée de sang à la main. Puis il vit une patte griffue se saisir de l'enfant et disparaître. Une forme ailée volait dans un ciel étoilé sur laquelle se dessinait les silhouettes de hautes montagnes. Ensuite, l'image changea. Une silhouette familière se découpait dans l'ombre de la grotte de Galemion. Sa mère. Sa mère qui poussa un cri et partit en courant, puis qui revint, suivie de son époux et d'un jeune garçon. Son père et son frère. Il la vit se saisir d'un bébé qui dormait paisiblement entre les gigantesques pattes du Dragon Stellaire, puis remercier les dieux pour le don qu'il leur faisait.
Il comprit alors. Il n'était pas le fils de ses parents. Et Thirnaedil n'était pas son frère. Galemion l'avait sauvé de la mort puis ramené jusque dans sa caverne où il avait été recueilli par ceux qui l'avaient élevé comme leur fils.
Il fut bouleversé par cette révélation. La dernière image qu'il vit fut celle d'un cavalier sur un cheval noir qui fonçait vers le nord. Il tenait ses rênes d'une seule main, l'autre étant enveloppée dans un bandage rougi.
Arduilanar rouvrit les yeux.
"-Il n'y a pas de temps à perdre. Je dois retrouver mon frère et accomplir mon serment. Mais je ne laisserai pas sans sépulture ceux qui m'ont recueilli. Je pars au manoir. Rejoins-y-moi dans quelques heures, quand j'aurai déposé leur corps mutilé dans un sarcophage d'albâtre, et prononcé les prières funéraires qu'ils méritent."

Quelques heures plus tard, l'elfe guettait le ciel, les yeux embués de larmes. Il vit enfin arriver la silhouette serpentine du grand dragon.
"-Je suis prêt à partir. Ne restons pas une seconde de plus ici."
Arduilanar sella Galemion, et y installa un paquet contenant ses rares affaires.
"L'armure de mon père... C'est tout ce qu'il me reste de lui. Et le médaillon de ma mère... Ce sont les deux objets qui ont à mes yeux le plus de valeur dans le monde entier". Arduilanar les considérait toujours comme ses parents.
Il enfourcha le Dragon Stellaire qui prit son envol avec grâce.


"-Seigneur Theril ? Dame Aerianis ? Y a-t-il quelqu'un ici ?"
Le gouverneur de la cité de Tor Caeriath hésitait à pénétrer dans le manoir de la famille Theril sans l'autorisation des maîtres des lieux. Il avait pourtant besoin de discuter de toute urgence avec le Seigneur Theril de sa participation aux frais de guerre. Le notable soupira, prit son courage à deux mains et poussa la lourde porte de bois ferré. A peine entré, il remarqua au sol de larges tâches de sang séché.
"-Seigneur Theril ? Que se passe-t-il ici ? Répondez, je vous en prie !"
Malgré son angoisse, le gouverneur fouilla le manoir de fond en comble sans rien trouver. Il revint alors près des taches de sang et remarqua de fines traînées qui le conduisirent au caveau familial, où il n'avait encore osé se rendre. Il descendit une à une les marches qui le conduisirent vers une salle voûtée où gisaient les défunts de la noble famille Theril. Deux sarcophages, après une inspection minutieuse de la pièce, se trouvèrent être plus récents que les autres et fraîchement scellés.
"Se pourrait-il que ...?"
Malgré son horreur de la profanation qu'il allait commettre, il arracha une des lourdes plaques. Il poussa un cri en voyant l'intérieur du sarcophage et s'enfuit en courant.
"-Posons-nous un instant, Galemion."
L'elfe descendit du dragon à l'entrée de la ville.
"-Je reviens dans quelques instants, le temps de ramener quelques provisions."
Arduilanar s'avança vers la Grande Porte d'Or de Tor Caeriath, surveillée par la Légion d'Argent, les gardes d'élite de la cité.
Les deux elfes de service lui barrèrent la route.
"-Halte, seigneur Theril. Nous avons ordre de vous conduire au Palais de Justice. Veuillez attendre que l'on vous y amène."
Dix soldats arrivèrent alors.
"-Il est ici, vous pouvez y aller."
Sans comprendre ce qui se passait, Arduilanar fut escorté jusqu'au magistral Palais de la Justice, une haute construction de marbre blanc et d'or qui étincelait sous la lumière chaude et vive du soleil.
"-Arduilanar Theril, vous êtes suspecté par les membres de ce tribunal d'avoir assassiné vos deux parents, le seigneur Theril et la noble dame Aerianis. Nous avons en effet perquisitionné le manoir de votre famille après que le gouverneur en personne y ait découvert les deux cadavres, ainsi qu'une main posée au-dessus du corps de votre père et qui semble appartenir à votre frère Thirnaedil Theril. De plus, un message qui y était déposé indiquait "Je vengerais la mort de mes parents. Le traître qui les a assassinés paiera pour son acte." "
Arduilanar regardait autour de lui, intrigué plus qu'émerveillé par le luxe et la majesté de la salle où il se trouvait. La demeure de ses défunts parents était elle aussi richement décorée, mais elle n'avait pas la solennité qu'il observait ici. Peu importait, d'ailleurs, il n'était pas là pour étudier l'architecture du Palais de Justice.
"-Votre Excellence, j'ai rédigé moi-même ce message.
-Nous n'en avons aucune preuve. De plus, nous n'ignorons pas votre réelle identité.
-Que signifiez-vous par-là, Excellence ?
-Nous savons que vous avez été recueillis par les Theril comme leur enfant et que vous n'êtes pas réellement leur fils. Nous avons de bonnes raisons de penser que, après que vos soi-disant parents vous aient révélé la vérité sur vos origines, ou que vous l'ayez découverte par vous-même, vous avez été pris d'un accès brusque de rage et que vous avez tué le seigneur Theril et la dame Aerianis.
-Excusez-moi, Excellence, mais j'ai quant à moi es meilleures raisons du monde de croire que vous commettez une terrible méprise. Je n'ai point tué ceux que j’aimais plus que tout, mais je connais le coupable.
-Alors, qu'attendez-vous pour nous dire son nom ?"
Arduilanar hésitait, visiblement pris de court par la tournure des évènements.
"-Je ne puis le révéler, car j'ai juré par Asuryan de ne point trahir la promesse que j'ai faite.
-Nous allons confronter vos dires à un témoignage. Faites entrer le témoin."
Une porte s'ouvrit, et, à la grande surprise d'Arduilanar, parut Thirnaedil. Ainsi, ce méprisable fourbe, non content d'avoir trahi sa famille et son peuple, venait encore porter un faux témoignage contre lui. Mais il jura intérieurement qu'il ne se laisserait pas faire.
"-Seigneur Thirnaedil Theril, pouvez-vous nous conter votre version des faits ?
-Bien entendu, Excellence. Comme je vous l'ai déjà expliqué, après être rentré avec succès de la campagne dans le Nord, j'ai trouvé le manoir de mes parents vide et glacé d'un silence de mort. Je découvris, à même le sol, mon père et ma mère, dans leur dernière posture, les traits encore tirés par l'effroi qui se manifestait sur leur visage, dit-il d'une voix qui se chargeait de sanglots à mesure que le pathétique gagnait en ampleur. Ne pouvant comprendre, ne voulant comprendre, j'ai rejoint mon jeune frère au lieu où je lui avais donné rendez-vous. Sans s'expliquer, il se jeta vers moi avec sauvagerie et férocité, l'arme à la main. Je fus contraint de me défendre, et je finis par le vaincre, bien que j'y perdis une main. Le lâche prit la fuite vers les montagnes. Je retournai au manoir et rendit les hommages funèbres à mes parents. Je jurai de venger leur honneur souillé. Puis je partis vers la cité de Tor Caeriath, près de laquelle je m'évanouis sous les effets de ma blessure, et vers laquelle je pus me traîner à mon réveil. J'y ai été soigné, puis ai raconté ce que vous venez d'entendre au gouverneur, ce qui confirma ses doutes.
-Lâche, vil traître... Assassin ! Tu n'es qu'un assassin ! Que les dieux te maudissent, Thirnaedil, qu'ils te maudissent à jamais !
-Le malheureux délire, Excellence.
-Arduilanar Theril, le tribunal ici réuni ne peut pour l'instant déterminer si vous êtes coupable ou non de la mort de vos deux tuteurs et de faux témoignage. Nous allons nous rendre au sanctuaire d'Asuryan afin que le dieu décide de votre sort. Si, comme vous le prétendez, votre âme est pure et droite, alors vous n'aurez rien à craindre. La séance est levée. Gardes, veuillez mener le suspect en lieu sûr."
Or il ne pouvait se rendre au Sanctuaire d'Asuryan. Son frère aurait tout le loisir de partir pour Naggaroth, et il ne pourrait plus le rattraper. Il lui fallait donc s'échapper, et devenir un paria et un traître aux yeux de son peuple en semblant fuir le jugement divin... Mais il n'avait d'autre choix. Son honneur valait moins à ses yeux que celui de ses parents, et il comptait le leur prouver.

La nuit était tombée sur Tor Caeriath. Dans sa cellule, Arduilanar s'apprêtait à passer à l'action.
Il murmura quelques formules simples, accompagnées des gestes des mains qui convenaient, et des étincelles vertes jaillirent en direction des barreaux d'argent qui disparurent aussitôt. Il sortit par l'ouverture aménagée, prononça une nouvelle formule, et les barreaux revinrent en place tandis qu'il courait dans les rues désertées de la cité.

"-Galemion... Galemion, je suis désolé.
Le jeune elfe était arrivé devant les portes de la cité, où le dragon était retenu au sol par une lourde chaîne enchantée.
-Je n'y arriverai pas, Galemion. Je suis désolé. Ne t'inquiète pas, tu seras bientôt relâché. Mais je ne peux pas te libérer. L'enchantement est trop fort, je n'ai pas reçu de formation poussée de mage. Ne m'en veut pas, je t'en prie.
Arduilanar défit le bagage que portait toujours le dragon sur son dos, puis disparut dans l'obscurité.
-Adieu..."
Les larmes coulèrent sur ses joues. Heureusement, la nuit le dissimilait. Il ne voulait pas qu'il voie ça.

Arduilanar galopait depuis plus d'une semaine sur le cheval qu'il avait "emprunté" aux écuries de la cité. Il n'avait retrouvé aucune trace de Thirnaedil. Rien n'indiquait seulement qu'il ait quitté Tor Caeriath. Dévoré par la faim, terrassé par la fatigue, il devait sans cesse se cacher pour éviter les soldats qui patrouillaient dans les montagnes. Sa résistance était importante, malgré sa frêle stature, car les enfants d'Isha jouissent d'une bien meilleure santé que les mortels. Mais il n'en était pas de même pour son cheval, qui bien que noble destrier elfique ne pouvait parcourir inlassablement les montagnes sans se nourrir.
Le jeune elfe qui somnolait, profitant d'un rare moment de calme, se retrouva soudain projeté au sol. Abasourdi par ce réveil en sursaut, il se releva avec peine et vit sa monture étendue au sol qui haletait. Il s'en approcha et vit qu'elle avait trébuché sur une pierre, mais il ne parvint à la faire se relever. Après quelques minutes d'efforts vains, les inspirations et les expirations de l'animal devinrent plus faibles, jusqu'à s'arrêter complètement. Arduilanar allait devoir continuer à pied.
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime1/12/2008, 18:13

V
Lueur d'espoir

Je ne suis pas seul



Arsuynar posa sa hache et souffla un instant. L'effort physique était l'idéal pour retrouver sa forme passée, et le travail de bûcheron dont il avait jadis l'habitude lui revenait peu à peu. Irnaël ne le quittait plus. Il s'était allongé sagement à son côté, et le regardait paisiblement débiter en rondelles les hauts sapins de Chrace.
Arsuynar soupira. Il aurait aimé que sa hache tranche plutôt quelques cous que de s'émousser contre du bois. Et puis, il n'avait pas réussi à retrouver la paix, même sur sa terre natale. Ceux de son peuple le regardaient étrangement, le pointaient du doigt comme un animal, une bête curieuse échappée des geôles des Druchii. Il désirait refaire sa vie, partir, recommencer, et oublier. Le travail acharné l'aidait déjà à vider son esprit. Il se remit à la tâche.
Puis, subitement, Irnaël leva la tête, huma l'air, puis se leva et partit vers les montagnes.
"Etrange. Il n'avait encore jamais fait ça. Il faut que j'aille voir."
L'elfe partit à sa suite.

"Irnaël, qu'est-ce qui te..."
Il ne finit pas sa phrase. Derrière le rocher où il avait retrouvé le Lion Blanc gisait le corps d'un adolescent, frêle, amaigri par un long jeûne, et apparemment sans vie, ou du moins en mauvaise posture. Une longue entaille couvrait son flanc droit. Arsuynar crut se revoir tel qu'il était arrivé sur les côtes d'Ulthuan quelques mois plus tôt.
"S'il vous plaît..."

La tête de l'inconnu s'était relevée légèrement. L'elfe fut soulagé de constater qu'il était encore en vie malgré son état.
"S'il vous plaît..."
L'adolescent s'évanouit. Le rude bûcheron saisit entre ses bras la fragile carcasse et la porta jusqu'à sa cabane.
"Irnaël, nous avons un invité."

Quand Arduilanar se réveilla enfin, il se sentait vidé de toutes ses forces, comme aspiré de l'intérieur. Aucun de ses membres ne voulait lui obéir. Il tenta de se relever tant bien que mal, mais dut abandonner. La porte de la cabane de bûcheron où il se trouvait s'ouvrit, inondant la pièce obscure de lumière. Une silhouette imposante se découpait à contre-jour dans l'embrasure de la porte.
"-Regarde, Irnaël, on dirait que notre hôte s'est enfin tiré de son long sommeil. Comment te sens-tu ?
Arduilanar voulut répondre, mais sa gorge sèche l'empêchait de s'exprimer.
-Ce n'est pas encore la grande forme, à ce que je vois. Bois, cela t'aidera à retrouver des forces."
L'elfe lui fit boire une étrange mixture. Le goût n'en était pas désagréable.
"-Ce sont des herbes médicinales infusées. Avec ça, tu seras debout dans trois jours. C'est Irnaël lui-même qui m'a appris à reconnaître les plantes qui sauvent et celles qui tuent. Je lui dois la vie."


[Facilement quelque dizaines de pages de suite. Mais un trop grand trou.]

EDIT de l'Effrayant : chapitre inachevé, je le compléterai plus tard.
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MessageSujet: Re: Fils de la Vengeance   Fils de la Vengeance Icon_minitime14/11/2010, 15:23

[Il manque ici un bout pour faire la liaison, et quelques explications nécessaires à la bonne compréhension du récit.]



La lueur froide des étoiles ne suffisait pas à éclairer le flot sombre, que la nef fendait en silence. Accoudé à la rambarde, le regard fixé sur le ciel nocturne, dais profond orné de lumières lointaines, le jeune elfe tâchait de trouver la sérénité. Mais même la quiétude d'une nuit d'été ne pouvait apaiser ses tourments, l'angoisse et la peine ne lui laissaient aucun répit. Il soupira. Combien de temps encore devrait-il souffrir ? Il connaissait déjà la réponse. Tant que son frère vivrait, il ne pourrait connaître le repos.

******************************************************************************


Le retour sur la terre ferme fut brutal, après plus d'un mois passé à naviguer sur les Mers Occidentales. Brutal et maussade. Arduilanar et Arsuynar avaient demandé à être débarqués dans un petit port de pêche bretonnien proche de Marienburg, préférant faire une arrivée aussi discrète que possible sur le Vieux Monde. Après tout, Arduilanar avait été contraint de prendre la fuite d'Ulthuan et risquait d'être activement recherché aussi bien dans son pays natal que de l'autre côté de l'Océan.
Les deux compagnons mirent le pied sur les côtes de Bretonnie un jour froid d'automne. Les sommaires installations portuaires - un ponton de bois branlant et une cabane faisant office de capitainerie - étaient battues par une fine pluie grise. Tout semblait être gris, d'ailleurs : les maisons de pêcheurs aux toits de chaume pourrissants, les ruelles boueuses, les mendiants en haillons. Pour le jeune elfe qui n'avait connu que les montagnes de Caledor, le spectacle avait de quoi déprimer, mais Arsuynar demeura, comme à son habitude, parfaitement stoïque. Il avait enduré bien pire qu'un paysage désolant lors de sa longue captivité dans les geôles des Druchii.
"Ainsi, voilà ce qu'est l'exil", dit Arduilanar d'un air sombre. "Une terre battue par la pluie et des baraques délabrées. Il semble plaire aux dieux que mon désespoir soit complet."
Irnaël poussa un feulement triste, comme pour accompagner ces paroles amères.

Malgré lui, le jeune elfe s'engagea dans une petite rue sombre - la moins crasseuse de celles qui se présentaient à lui, suivi de près par Arsuynar et son compagnon quadrupède.

Bien qu'il put souvent sembler frappé de mutisme, Arsuynar était loin d'être insensible. La compagnie d'Arduilanar lui avait été bénéfique. L'innocence naïve de celui qu'il avait recueilli lui évoquait de fugaces souvenirs de soleil et de jours heureux dans les forêts de Chrace, et bien qu'ils fussent comme voilés par une brume épaisse, ils lui rappelaient qu'il avait vécu avant la torture et l'horreur qui avaient formé son quotidien pendant tant d'années, ayant peu à peu raison de toute forme de résistance ou d'opposition de sa part. Il s'était cru irrémédiablement brisé, dans son corps et dans son esprit, et condamné à une éternité de tourments, mais les dieux avaient envoyé Irnaël pour le salut de son corps - et, à ses yeux, Arduilanar avait été envoyé de la même façon pour le salut de son âme. Aussi, bien qu'il fut très peu démonstratif, le rude guerrier tenait beaucoup à son protégé, qu'il voyait comme un jeune frère, et était bien décidé à veiller sur lui.

Il accéléra le pas pour se rapprocher d'Arduilanar. Bien qu'ils aient échappé aux recherches à Ulthuan, la prudence restait de mise sur le Vieux Monde, particulièrement dans un endroit aussi peu engageant.

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